manon

Blog en pause – blogueuse en tournage

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Chers lecteurs!

Je tourne mon court-métrage La fille du gardien de prison produit par Lumina Films à partir de lundi, ce qui explique mon absence dans ces pages depuis quelques temps!

On se voit en novembre avec des articles tous frais du matin!

Envoyez-moi de bonnes ondes!

Amour, liebe

Votre Manon


Berlin, désert de l’amour

Berlin, East Side Gallery

Berlin est sexy, mais Berlin n’est pas la capitale de la romance. Facile, dans la cité des fous, des artistes et des fêtards, de se mettre de la chair fraîche sous la dent pour une nuit… bien plus difficile de trouver une épaule chaude et réconfortante pour passer l’hiver prussien sous la couette. En tant qu’incorrigible amie des hommes, je me suis régalée à Berlin et j’en ai tout autant fait les frais… happy end avec prince charmant non garantie.

Je rebondis ici sur un article intéressant publié il y a quelques mois par le magazine berlinois anglophone ExBerliner qui fait état du désert sentimental berlinois chez les femmes. C’est un fait, les histoires d’amour durables et réelles sont aussi rares à Berlin qu’une aiguille sous roche ou une anguille dans une botte de foin, vous me suivez.

Je vous entends protester que c’est la même chose dans toutes les grandes métropoles. Eh bien non, pas vraiment. A Paris, vers l’âge de trente ans, les gens se « casent ». La vie parisienne est infernale et les appartements trop chers et trop petits pour une colocation. Je vois mes amis parisiens envisager la vie à deux bien plus facilement que ne le font les Berlinois, qui cohabitent entre copains jusqu’à plus de quarante ans. Plus facile de rester célibataire quand on ne souffre pas de la solitude durant les longues veillées d’hiver. Et comment se sentir seul avec Pedro et Antje qui vous laissent leurs poils et leurs cheveux partout dans la salle de bains?

Soyons francs : à Berlin, on s’envoie en l’air, mais on n’aime pas vraiment, ou pas longtemps. Pourquoi? Parce qu’il existe deux types de Berlinois:

1. L’Allemand

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2. L’expat’

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Le premier est un peu coincé et ne sait pas aborder les filles, donc il peut rester célibataire jusqu’à ce qu’une bonne âme ait vraiment envie d’aller le chercher. Le second est incapable de se poser deux secondes. Insatiable, il court la gueuse armé de ses wingmen préférés, l’alcool et la drogue. Les clubs berlinois sont un vivier sans cesse renouvelé de jeunesse qui lui donnent l’impression qu’il ne vieillira jamais s’il peut se taper un maximum de gardons frais. Mais le pire, c’est que le numéro 2 influence, depuis quelques années, le numéro 1 avec son attitude de surconsommateur sexuel.

Pour ma part, j’ai un peu tout essayé. Le rocker fauché qui veut « explorer sa sexualité et son art dans le même élan » et à qui je faisais évidemment obstacle dans cette quête de beauté. Le rocker qui joue dans un groupe connu et ne voit pas pourquoi il resterait avec une seule fille puisqu’il a des groupies qui lui jettent leurs culottes à la tête. L’étudiant éternel qui est terrorisé à l’idée d’aimer une femme qui travaille déjà. Le DJ (no comment). Le barman (no comment). Le réalisateur reconverti en apiculteur qui finit par vouloir aimer le monde entier, lui qui a déjà tant d’abeilles. Partout, la même sentence tombe: l’amour fait obstacle à leur LI-BER-TE.

Je ne parle pas ici de se caser avec pavillon, Mercedes et labrador à Wilmersdorf. Je parle de sentiment, de passion, de communion quoi, merde. Presque toutes mes amies sont désespérées. Pour ma part, il y a quelques années, j’avais eu la chance d’être courtisée par un bel architecte de quarante ans, sûr de lui et de son art, un homme bien qui me promettait une vie à deux. Comme je résistais un peu, à la manière française, je me le suis fait très vite souffler par une institutrice allemande plus âgée que moi qui avais bien compris qu’on ne fait pas attendre une perle pareille à Berlin. Les divorcés sont devenus LA quête des Berlinoises de trente ans en mal de vrais sentiments.

L’article d’ExBerliner se termine par une phrase lancée par un DJ américain de 47 ans, interviewé dans la rue, qui recommande bruyamment aux femmes de « revoir leurs exigences à la baisse » (« LOWER YOUR STANDARDS! »). Je pense que cette sentence fera bondir mes lectrices autant que moi. Vraiment? C’est-à-dire? Faut-il convoler avec un pilier de bar? Un névrosé fauché qui se pend à nos portefeuilles? Un quinquagénaire au cerveau grillé par des années de drogue?

Alors, que faire? Pour ma part, j’ai fini par tomber sur un amour vrai, sincère, pas peureux, pas enchaîné non plus… à Paris, en la personne d’un Américain, qui accepte mon existence nomade entre la France et l’Allemagne. Mais je ne sais que dire aux Berlinoises célibataires, car cette vie en solo m’a souvent donné l’impression d’être une Bridget Jones sous amphétamines. Lectrices, qu’en dites-vous? Et vous, Berlinois – que pensez-vous de l’amour dans la ville de la liberté sexuelle?


J’ai raté mes deux semaines sans alcool à Berlin

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Il y a presque un mois, je me suis publiquement lancé un défi sur la page Facebook de Génération Berlin : pas d’alcool pendant deux semaines. L’idée était de tester les limites de la vie sociale berlinoise, réputée pour sa festivité. Un échec total.

Avant de commencer mon challenge, j’avais posté l’annonce que je commencerai mes deux semaines sobres le lundi, car le week-end s’annonçait trop prometteur. D’ailleurs, mon amie Lolita, du blog J’aime ton wine, débarquait le samedi matin et il n’était pas question de faire abstinence le jour de son arrivée. Se priver de déguster du vin avec une pro du pinard est complètement couillon, si vous voulez mon avis.

Cependant, nous avons attaqué par une série de cocktails au Club der Visionäre et au nouveau White Trash près de la Spree et nous décidons de finir cette belle soirée dans un karaoké en entraînant nos pauvres compagnons d’infortune. Là, dans cet antre du micro gueulard, Lolita descend des mojitos en chantant Joe le Taxi devant un Allemand écarlate et en sueur à force de désir, tandis que je constate que l’alcool ne me fait bizarrement rien, cette nuit-là. J’ai simplement envie de chanter et je me fous du reste. Cela m’encourage : je n’ai pas besoin d’être désinhibée par l’alcool pour m’amuser et je suis sûre que ces deux semaines passeront comme une lettre à la poste. 

La nuit d’après, je fête ma future sobriété en dégustant un excellent rhum dans un petit rade de Kreuzberg en regardant dans les yeux un bel Autrichien qui ressemble à Astérix et porte un T-shirt du Club Alpin d’Innsbrück. (« Che suis moniteur de ski », me dit-il avec un sourire moustachu.)

LUNDI

Le lendemain, Lolita et moi nous prélassons sur une plage de la Baltique et refusons en choeur le Weissweinschorle (vin blanc additionné d’eau pétillante) que veulent nous servir nos amis. Faut pas déconner non plus, on est Françaises. Je n’ai donc pas beaucoup de mérite.

MARDI

Au deuxième jour, les choses se corsent : un copain vient dîner et Lolita a choisi un Riesling dont la seule étiquette me donne envie d’orgasmer. Pendant qu’ils picolent, je me venge sur le poulet aux olives et descends de la Bionade. Thomas et Lolita s’échauffent, blaguent, rigolent, leurs gestes deviennent plus brouillons, ils ont l’air de super bien s’entendre. J’ai le sentiment d’être une nonne. Plus tard, sur le balcon, ils attaquent le Pinot Grigio quand j’en suis à ma troisième Bionade. En rotant discrètement, je mate mon nouveau voisin d’en face, une bombe sexuelle qui se promène tout le temps à demi nu de sa démarche féline. Si j’avais bu, je lui aurais sûrement crié d’un balcon à l’autre de nous rejoindre pour un petit verre. Au lieu de ça, je le reluque en me disant que je rate peut-être l’homme de ma vie/nuit.

MERCREDI

Je suis heureuse de me réveiller pimpante, prête à mordre la vie à pleines dents même après un dîner qui aurait sûrement fini en fiesta échevelée, pendant laquelle Thomas aurait sans doute tenté un ménage à trois que nous aurions refusé à grands cris ivres. La sobriété a du chic. 

Le soir, après une longue balade à vélo, Lolita et moi sommes alpaguées par la barman française d’un des bars de Neukölln. Compréhensive, la jeune fille me sert une bière sans alcool. La première de ma vie. Alléluia! J’ai trouvé la panacée, me dis-je. L’effet placebo est tout à fait convaincant. Je n’ai pas l’impression de dépareiller. J’en bois deux. Mais je sens que Lolita fatigue malgré ses efforts. C’est rasoir de sortir avec une sobre. On rentre vers minuit.

JEUDI

Lolita a une dégustation dans un bar. Je goûte et je recrache. Pas trop frustrant.

VENDREDI

Après le départ de miss J’aime ton wine, tout se déroule sans accroc. J’ai du boulot, je pense à autre chose…

SAMEDI

Je me suis sauvagement endormie la veille à 22H, ratant le concert d’Electrosexual que j’attendais de pied ferme. En me réveillant à cinq heures, je découvre un SMS enjoué d’un copain DJ de Bali :

Je joue au Golden Gate à sept heures, je t’emmène, on se fait un petit-déj avant!

Chose dite, chose faite. Après un bon café serré, nous voici derrière les platines. Sur la piste, les danseurs ont l’air bien plus normaux que je ne l’imaginais. Mon pote me présente des Balinaises qui dansent derrière les DJs : elles sont en plein jet-lag et en vilaine montée de mdma. Personne ne boit, tout le monde est à la flotte, c’est l’effet pervers de leur drogue, ce qui m’arrange bien.  Je danse à jeun, pleinement sobre. Je trouve les conversations assez connes, donc je me concentre sur la musique. Et je rencontre un mec sympa, mignon, 38 ans, drôle (rarissime pour un Allemand) que j’emmène chez moi un peu plus tard.

DIMANCHE

Le monsieur ne voulant pas rentrer chez lui, et moi ne souhaitant pas le renvoyer non plus, je craque. J’ouvre la bouteille de blanc qui attendait la fin de mes voeux de sobriété dans mon frigo. On se l’est bue avec un plaisir d’autant plus grand que je bravais un interdit. Exquis.

LUNDI

Enorme sentiment de culpabilité. Je bats ma coulpe et bois deux litres d’eau filtrée Britta, en me jurant de tout avouer à mes lecteurs, mais de reprendre mes voeux à partir d’immédiatement tout de suite là maintenant.

MARDI

La culpabilité s’éloigne. Je me demande pourquoi j’ai commencé ce pari de toute manière. Un copain me propose par SMS de le rejoindre à un concert de jazz.

Je ne sors pas, j’ai peur de boire, réponds-je.

Bizarre, rétorque-t-il.

Il a raison. C’est bizarre.

MERCREDI

Concert d’Arcade Fire à la Waldbühne de Berlin. Avec l’approbation complice de mon copain Lulu, je me rebelle et achète un mojito. Je le bois en tombant amoureuse d’Owen Pallett. Lulu se fout de ma gueule. Il essaie de refermer ma bouche qui bée devant ce musicien surdoué à la voix d’ange. Avant de faire une pause pipi, je reprends un mojito pour surmonter l’émotion qui me submerge.

JEUDI

Je me sens de nouveau coupable mais décide de mentir à mes lecteurs et de ne pas poster sur ma page Facebook que j’ai bu (PARDON). Puis on m’apprend qu’Owen Pallett est gay. Désespérée, je demande à ma coloc italienne si elle n’a pas envie de goûter à cette petite liqueur d’Amaretto que lui a rapporté sa mère. Elle acquiesce.

VENDREDI

Allongée sur le divan du psy, je comprends que mon caractère est fondamentalement adolescent et tourné vers la bravade d’interdits et que ce défi va en fait me rendre alcoolique. Je m’autorise donc un week-end de débauche absolue… et n’ai finalement qu’une envie : rentrer me coucher avec une tisane.

SAMEDI

Tisane.

DIMANCHE

Tisane.

Conclusion : on peut vivre à Berlin sans boire, ce n’est pas du tout un problème (peut-être même moins qu’à Paris, où les gens hurlent dès qu’on refuse un verre de vin). Mais franchement… ça n’en vaut pas la peine! 


Lettre à mes lecteurs

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Le visuel de mon film La fille du gardien de prison

Mes coproducteurs, ce sont aussi, peut-être, mes lecteurs. Je vais tourner mon premier vrai film de fiction cet été en Bourgogne. Et j’ai vraiment besoin de vous.

Chers lecteurs,

Cette fois, je ne vous ferai pas un article, je vous rédige une lettre.

Voilà trois ans que nous nous connaissons, vous et moi (parfois moins pour certains – et je me réjouis toujours de voir un nom nouveau dans les commentaires ou sur ma page Facebook.) Certains d’entre vous savent que je fais du cinéma. Ou plutôt, que j’ai le désir profond d’en faire. Car on ne devient pas réalisatrice en un an, ni deux, ni cinq. On devient cinéaste parce qu’on a grandi avec l’amour des images, des acteurs, de la musique. Et il faut surtout beaucoup d’amour pour ses spectateurs pour se lancer dans une carrière aussi ardue.

Pour réaliser ce rêve j’ai fait les petits boulots les plus infects, j’ai vendu des fringues à des poules qui me prenaient de haut dans le XVIe arrondissement de Paris, j’ai fait rire la galerie à Disneyland, j’ai distribué des flyers dans les rues par -5 degrés… Et je suis reconnaissante d’avoir fait toutes ces tâches éreintantes, parfois humiliantes, que beaucoup d’entre nous sont obligés d’exécuter. Elles m’ont appris que la passion se paie cher. Devenir artiste n’est pas ce que beaucoup de gens imaginent, paillettes, picole et drogue, cocktails mondains, tapis rouge. Devenir artiste c’est une ascèse. Se battre tous les jours avec l’idée qu’on n’aura sans doute jamais de quoi vraiment vivre correctement.

Mais ces arts, le cinéma et l’écriture, en valent bien la peine. Aujourd’hui je vis chichement mais je fais tous les jours ce que j’aime. Et j’ai ce blog qui est un dialogue riche, drôle et constant avec des lecteurs de plus en plus nombreux. Des gens de tous horizons me lisent, de toutes les classes sociales et de plusieurs pays! Comment ne pas être heureuse? Merci à vous. Sans vous, ce blog serait une coquille vide.

Voilà, j’arrive au seuil de mon premier film. Mon premier court-métrage de fiction, avec une vraie production qui me soutient. Il s’appelle La fille du gardien de prison et je dois normalement le tourner en août. C’est une histoire de classes sociales : l’amitié impossible d’une petite fille de la bourgeoisie, Marie, et de Nathalie, la fille du gardien de prison. Je souhaite réaliser plusieurs films sur le monde de l’enfance. Je pense que les enfants sont trop souvent regardé comme de mignonnes petites choses au cinéma, pas assez comme des êtres pensants, aimants et désirants à part entière.

« Normalement », parce qu’aujourd’hui, en réalité, ce projet est menacé. Sur un budget de 30.000 euros, il nous manque 10.000 euros. Pour pouvoir nourrir et loger l’équipe formidable qui travaillera avec moi (tout le monde est cependant payé. Je ne crois pas à l’esclavage artistique!). Pour avoir une caméra digne de ce nom. Pour avoir un son digne de ce nom. Pour que ce film soit vu dans les festivals et soit mon premier pas vers un film de 90 minutes, un long-métrage.

Mais de nos jours il existe un système qui pallie à la crise qui nous frappe tous… Le financement participatif. Un modèle génial avec lequel des projets artistiques ou humanitaires, par exemple, peuvent trouver le soutien économique indispensable qui leur manque. Chacun donne ce qu’il peut – de 5 euros à 1000 euros, peu importe. 5 euros font déjà une différence énorme. Si dix personnes donnent 5 euros, je peux déjà financer plusieurs jours de cantine pour l’équipe du tournage!

Alors mes amis, je vous le demande, devenez mes coproducteurs. Vous serez vous aussi une partie de mon équipe, même si vous n’avez que quelques euros à mettre, la fierté sera la même : c’est NOTRE film!

Cliquez sur ICI et devenez producteur du film La fille du gardien de prison

Et n’oubliez pas : si vous ne pouvez pas participer, likez, commentez, partagez cette page. En parler c’est déjà aider le film.

Merci mes amis, je vous embrasse,

Votre blogueuse dévouée, Manon


Pourquoi mes parents ne viennent jamais à Berlin

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Y a vraiment que sur les pubs de l’office du tourisme que les parents ont l’air contents de venir à Berlin. (Source photo VisitBerlin.de)

Après cinq ans de vie à Berlin, je me demande encore pourquoi mes parents ne viennent jamais me rendre visite. Tentative de décryptage psychanalytique du parent berlinophobe.

C’est en lisant cet article (fort amusant d’ailleurs), Ten things you can do when your parents visit you in Berlin, que je me suis rendu compte que je n’étais pas seule au monde : les parents de Sara, journaliste chez Finding Berlin, ne lui ont jamais rendu visite non plus. En cinq ans, mon père m’a gratifiée d’une seule et unique visite de trois jours. Quant à ma mère, elle n’est tout bonnement jamais venue. Pourquoi, pourquoi, pourquoi, docteur? Décryptage des raisons avancées par mes darons.

1. « J’ai pas le temps »

Mes parents sont à la retraite. Comme chacun sait, personne n’est plus occupé qu’un retraité. Un retraité est toujours débordé. C’est hallucinant. Depuis que mon père a cessé de bosser, il est obsédé par son patrimoine immobilier, sa paperasserie et les courses au supermarché. Quant à ma mère, elle a ses plantes à semer avant que le gazon ne prenne plus, son potager demande de l’entretien et elle a une réunion d’enfants des Compagnons de l’Ordre de la Libération le 29, donc elle ne peut pas venir. Et après la réunion? Après la réunion, elle va voir ma soeur et ses mômes en Grèce. Conclusion : « J’ai pas le temps » signifie tout simplement « j’ai pas le temps de te voir toi à Berlin« .

2. « Ta mère risque une thrombose en avion avec sa mauvaise circulation sanguine »

Mais ça ne l’empêche pas de faire trois heures de vol pour rendre visite à ma frangine à Athènes, cf plus haut. J’évoque diplomatiquement la poésie languide du train, le paysage défilant doucement sous les yeux, rappelant le temps heureux où l’on prenait le temps de prendre le temps, les livres lus dans cette parenthèse bienvenue au milieu de nos vies frénétiques… Les innombrables bienfaits écologiques du train comparés à l’avion… Mes darons poussent des cris d’orfraie : « Quoi! huit heures! on a autre chose à foutre ». Ah oui,  zut, j’oubliais, c’est vrai qu’ils sont débordés!

3. « Je peux pas, je garde ta nièce pendant que ton frère est en voyage d’affaires »

Ah. AH. AH! Là, nous touchons un début de commencement de reproche sous-jacent et à couches multiples : d’une part, tu n’as pas d’enfants, d’autre part, tu ne fais pas d’affaires, ma petite fille blogueuse – cinéaste – journaliste. Mais la perspective de faire des chiards et de bosser dans le marketing d’une boîte de pneus comme mon frère, à la seule fin de faire venir mes parents à Berlin, est parfaitement inenvisageable. Parce que justement, je suis venue à Berlin pour être libre, célibataire et free-lance sous-payée.

4. « Berlin, c’est sinistre »

Ma mère a vécu à Berlin à la fin des années 60. Mon grand-père était militaire diplomate et toute la smala se baladait d’ambassade en caserne dans des bagnoles à chauffeur, de bal mondain en courses au KaDeWe et tout le tralala. Ma mère était même tombée follement amoureuse d’un beau jeune homme est-allemand (union fortement réprimandée par sa famille évidemment). Donc ma mère se rappelle Berlin à une époque où le Mur régnait sur la ville et où, quand elle passait du côté Est, la vue de « ces pauvres gens engoncés dans des manteaux gris de mauvaise coupe, affrontant la bise dans des avenues immenses et vides » lui brisait le coeur. C’était en 1967, nous sommes en 2014, Berlin est devenue la destination touristique numéro un d’Europe, mais non, ma mère n’en démordra pas, à Berlin, c’est encore la Guerre froide.

5. « Berlin, c’est moche »

Ma mère ne comprend pas non plus le charme du Plattenbau, du béton et la poésie post-communiste qui se dégage de Berlin. Elle est insensible aux charmants atours des squats (ou ce qu’il en reste), des bords industriels et déserts de la Spree. Ce qu’elle aime, c’est l’architecture Renaissance de Florence, les ravissantes rues de Lisbonne et bien sûr Paris, « la plus belle ville du monde », évidemment. Il me semble pourtant qu’elle ne viendrait pas à Berlin pour faire du tourisme neuneu, mais pour voir où et comment sa chair et son sang vivent depuis cinq ans. Ce que je comprends, moi, c’est qu’elle préfèrerait sans doute ne pas savoir que Berlin, c’est peut-être moche, mais c’est surtout plus grand, plus spacieux, plus vivant et que j’ai peut-être fait – pour une fois dans ma vie – un bon choix?

6. « De toute façon, tu viens tout le temps à Paris »

J’avoue que je n’ai pas grand-chose à répondre à ça. Je pense que si, de mon côté, je n’avais pas visité la nouvelle maison de mes parents en Bourgogne et que je ne m’étais point pâmée devant leur agencement de meubles et de tableaux, j’aurais eu droit à une crise d’apoplexie.

Soyons sérieux. La réalité qui se cache derrière toutes ces raisons fumeuses, mes chers amis, c’est que mes parents font de la résistance psychologique inconsciente au fait que je les ai « quittés » pour partir vivre à l’étranger. Chez les Boches, en plus!

Mais c’est peut-être parce que nos parents ne viennent pas que Berlin reste notre ville? Et que nous sommes la Génération Berlin? Loin du joug de la réussite sociale et de la reproduction sexuelle obligatoires insidieusement imposées par les petites réflexions systématiques de ces rejetons des Trente Glorieuses, qui n’ont toujours pas compris que la jeunesse d’aujourd’hui rame pour payer des loyers monstrueux et se faire chier dans des jobs à 1000 euros le mois, cultivons notre terrain de jeux propice aux arts et à toutes les bêtises…


La question de l’entre-deux

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Voilà deux mois que je ne vous ai pas écrit de billet, chers lecteurs. Entre Paris et Berlin depuis deux mois, je ne sais pas comment vous parler d’une ville où je ne vis presque plus. L’entre-deux à l’heure européenne, au temps de la 4G, de Skype et des amours virtuelles, est-ce que ça peut marcher? 

Un jour, il y a cinq ans, j’ai déménagé à Berlin sur un coup de tête, dans une rue de Kreuzberg. Mes deux valises étaient si lourdes que l’une avait craqué dans la soute de l’avion. Je déménageais un 31 décembre et je ne connaissais presque personne qui aurait pu me filer un coup de main. J’ai monté mes affaires une à une, quatre étages, dans cet appartement vide et spacieux qui était désormais mon nouveau nid.

J’ai vécu la fête berlinoise très vite (bien sûr), les amitiés, l’apprentissage bordélique de l’allemand, la rencontre avec un grand amour, la rupture sanglante, les jobs pourris, les succès. La pauvreté totale, puis les petits coups de bol où l’on se sent riche. La stabilité, jamais – la stabilité, ce n’est pas vraiment à Berlin qu’on peut la trouver lorsqu’on est une jeune artiste célibataire et sans enfant. Et c’est peut-être bien comme ça aussi.

A trente-trois ans, mon rythme de travail s’accélère et je suis en train de préparer mon premier vrai film de fiction, que je tournerai cet été en Bourgogne, le pays d’où je viens. Berlin, sa liberté, ses nuits effrénées, mais aussi son désespoir (je vous en parlais il y a quelques temps) ne correspondent plus à l’intensité de mon métier de réalisatrice. Le cinéma allemand ne me parle pas et je louche sur les programmations des cinémas d’art et d’essai français avec envie lorsque je suis dans mes pénates berlinoises. Qu’est-ce qui fait que cette énergie berlinoise me donne récemment le sentiment d’avoir des chaussures de plomb, moi qui ai été si heureuse dans ma ville d’adoption allemande? 

Pour l’instant, j’essaie encore de concilier les deux. Mais après deux mois presque intégralement passés en France, revenir à Berlin me fait presque peur. La lourdeur de la nuit, des drogues et de la glande, des velléités de beaucoup de Berlinois me minent le moral. Comme tout un chacun, je hais bien sûr le métro parisien, les gens qui font la gueule, les prix faramineux, les loyers immondes et les apparts en forme de clapier à lapins. Mais il suffit que je me promène au jardin du Luxembourg pour retomber amoureuse de la France. Il me suffit d’écouter les brèves de comptoir dans un petit bar du 14e pour avoir envie de rire de cet esprit franchouillard inimitable. Il suffit que je me blottisse dans le fauteuil rouge d’une minuscule salle de cinéma pour regarder un vieux film pour me sentir revivre. Pour autant, je n’oublierais jamais la douceur de vivre berlinoise – à nulle autre pareille en Europe.

Je travaille par Skype avec mes producteurs, je prends l’avion plusieurs fois par mois. J’écris en français, mais je parle allemand avec mon caméraman. Je paie mes impôts allemands avec de l’argent français. Une vie d’entre-deux. Les amours aussi, entre-deux. Ce n’est pas tant le bordel que ça. C’est moderne. C’est 2014.

Mon ami A. appelle mon état « l’entre-deux ». Il me demande de faire un choix. Mais n’avez-vous jamais eu deux amours? J’aime le cinéma et j’aime la musique tout autant. J’aime mon père et ma mère tout autant. Et j’aime Berlin et Paris avec la même passion à la fois tendre et hargneuse.

Voilà pourquoi, amis lecteurs, mes billets de blog se font bien rares. Il est peut-être temps d’envisager de le faire évoluer vers une autre écriture. Cela fait un moment que je projette de réunir une série de textes écrits sur Berlin dans un ouvrage. Ich halte euch auf dem Laufenden (la phrase que j’ai eu le plus de mal à apprendre en 2009, « je vous tiens au courant »…)


Une nuit avec Electrosexual

Electrosexual--Polaroid©Cristofaro Salvato

Musicien autodidacte, Romain, dit Electrosexual, est un Toulousain qui officie depuis plusieurs années dans les soirées berlinoises. Sa musique teintée d’electroclash, dansante, lyrique et nostalgique à la fois, est à mille lieues de la techno laborieuse qui règne souvent sur le clubbing allemand. A l’occasion de la sortie de son single « Tempelhof » le 7 mars*, on a débouché une bouteille de Rotkäppchen pour parler musique, Berlin, patrie lointaine et « affaires du cœur » comme il le dit joliment (mais ce dernier point restera hors interview!)

Une bouteille de Sekt, une bouteille de Sancerre et du Milka – merci Romain pour l’interview la plus fun et la plus détendue que j’aie faite depuis un moment !

La musique en autodidacte

« Il y a quand même une notion française selon laquelle tu n’es pas censé faire des choses pour lesquelles tu n’as pas été formé. A l’opposé de la culture anglo-saxonne : fais-le, essaie de le faire – mais si tu n’es pas bon tu te fais éjecter dans la minute !

En 2003 j’ai acheté à sortie un Microkorg, un petit synthé abordable avec des sons vintage, avec le vocoder, tout en un. Je l’ai acheté au chanteur québécois Automelodi alors que je vivais à Montréal. J’ai joué de ce synthé complètement intuitivement. Je savais que je voulais faire des chansons, j’avais des références pop, je ne voulais pas faire de techno. »

Ressorts et génériques de dessins animés

« Je suis passionné de musique depuis tout petit. J’avais reçu une batterie pour Noël. Sur cette batterie, il y avait des ressorts. J’avais un magnéto et j’ai enregistré les sons que faisaient les ressorts en résonnant sur les tambours. J’avais enregistré une cassette pour laquelle j’avais même fait un plan promo! J’avais huit ans… J’avais déjà envie que ce soit sur un support… J’avais fait une pochette avec mon frère, on avait fait des photos exprès… Il y avait des paroles un peu débiles… Le titre s’appelait « Dégradation » – ça devait être inspiré par le son que je faisais.

J’ai forgé ma culture musicale à partir de la culture des dessins animés des années 90. Je te conseille d’écouter la face B du 45 tours d’Albator! C’est du prog-rock électronique hyper balèze! Tous les génériques de dessins animés étaient électroniques. C’était des grands compositeurs – Francis Lai, François de Roubaix… »

David Caretta, le parrain

« David Caretta est venu jouer à Toulouse. Je suis allé le voir après le set, j’adorais ce qu’il faisait, je l’avais découvert à Montréal. On a discuté et je lui ai fait écouter ce que je faisais. Il m’a dit : Wow! Je trouve ça super, envoie-moi des morceaux, j’ai un label. A partir de ce moment-là c’était clair et définitif : la musique était la seule chose qui m’intéressait et j’allais m’investir complètement dedans. »

Partir à Berlin

« C’était plus un cheminement, un ras-le-bol. C’était presque une question de survie. Sachant que j’avais très peu de lieux d’expression à Toulouse, je voulais déménager dans une ville où la musique a une importance. A Toulouse, on te demande : « Mais ton vrai boulot, c’est quoi? » J’aurais aussi pu partir à Londres, j’aime beaucoup Londres depuis mon adolescence. Début 2000, Londres était très orienté dance, électro. Maintenant c’est de nouveau une ville rock – si j’avais fait du rock, ç’aurait été ma ville de destination. J’étais déjà venu jouer à Berlin et en dix jours j’avais déjà rencontré plein de gens. J’avais donc déjà des amis ici.  »

Vivre de la musique à Berlin

« J’ai tout de suite été résident de deux ou trois soirées qui n’existent plus (c’est le côté éphémère de Berlin). Très rapidement j’ai rencontré de nouvelles personnes qui m’ont fait jouer, ou qui connaissaient déjà mon nom. Le contact entre artistes de la musique électronique à Berlin est facile. La plupart des artistes qui viennent jouer à Berlin ont envie de faire quelque chose de spécial à Berlin parce que la ville leur parle. Cela donne une énergie vraiment particulière. »

La musique à Paris et à Londres

« Pendant longtemps, jouer à Paris me posait un problème. A l’entrée du club, déjà, ça trique énormément, les gens rentrent dans le club excédés, ils se bastonnent pour poser leur vêtements car la caisse est riquiqui et les videurs leur hurlent dessus. Il y a un niveau de stress énorme. A Paris on ne vient pas te chercher à l’aéroport, ce qui n’est pas tant demander quand tu viens jouer et que tu es chargé, il n’y a pas d’accueil. Mais Londres est pire! La violence y est partout et insidieuse. Dans les interdictions, dans l’autocensure. Les gens savent qu’ils ne vont pas pouvoir faire les cons, sauter partout, tout est très contrôlé, il y a un couvre-feu, une fois que c’est terminé, c’est vraiment terminé, il n’y a pas d’after ou alors c’est vraiment hardcore… Tu fais ton DJ set et tu te barres, point. »

Berlin, le « bon endroit »

« J’ai l’impression de vivre les meilleurs années de ma vie, d’être au bon endroit, d’être entouré des personnes que j’aime. J’ai bien sûr des moments de doute terribles. Mais par rapport à ce que j’aime et ce que j’ai envie de faire, Berlin est la ville que j’aime, oui. J’entends tout le temps « Ah Berlin c’est plus la ville hype que c’était… » Eh bien pourvu que Berlin ne soit plus LA ville hype! » (rires)

Conseils aux jeunes musiciens français

« Si tu te poses la question de partir vivre à Berlin pour ta musique, déjà, c’est énorme! Il n’y a rien de pire que de faire du sur-place ou de végéter. C’est là que tu sombres.  Il faut te pousser un peu aux fesses, croire en soi, faire des choses. Je pense que le vrai talent, c’est de faire des choses. Pas de les faire de façon géniale ou révolutionnaire, mais de faire les choses. Berlin est une ville qui permet de réfléchir. Elle te donne du temps, il n’y a pas une pression immense de survie ici. »

Courez à la soirée de lancement au Naherholung Sternchen à laquelle il invite les Français Andrew Claristidge (du duo Acid Washed), Océane Moussé et Henning Specht (du groupe toulousain Hypnolove signé chez Record Makers) . Se joignent à la fête le duo berlinois Local Suicide pour un DJ set qui se prolongera tard dans la nuit.

La fête continuera le lendemain à Paris ou Electrosexual se produira aux cotés de David Carretta (qui a remixé le Single Tempelhof) au Pigallion (ex Folies Pigalle)

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La noire et la blanche : les lecteurs témoignent sur la coke

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Y en a marre de la blanche. On veut la fête en couleurs. (Crédit photo www.holi-openair.de)

Mon dernier article, une lettre ouverte à mes amis cocaïnomanes à Berlin, a connu un succès phénoménal grâce au magazine Konbini – ce qui prouve bien qu’il est temps de parler de ce problème majeur. La coke, la prétendue « drogue de la fête », cette poudre qui s’est presque autant banalisée que la marijuana, s’est infiltrée dans les vies de toute une jeunesse européenne. Elle pourrit nos amours, nos amitiés, nos passions, notre travail. Cet article regroupe les témoignages bouleversants et révoltés des lecteurs qui ont eu le courage de me raconter leur expérience avec cette drogue. Tous les noms ont été modifiés pour préserver leur anonymat. 

Julien

Je suis un consommateur régulier le week-end, et il m’arrive de m’en vouloir énormément après avoir passé une soirée entière à se poudrer le nez. Solitude, petit-boost sans conséquences, habitude de sniffer, plaisir de la ligne, les raisons qui me poussent à reconsommer sont multiples. Avant hier soir, j’avais évité ça pendant deux semaines, j’ai honte d’être fier de moi d’une durée d’abstinence si ridiculement courte. J’ai lu le blog de Juliette, plutôt édifiant ses récits. Je dois avouer que de vous lire ça m’a complètement déprimé au début, car c’est jamais drôle de faire face à ses propres faiblesses. Mais je pense que ça ne peut que faire du bien sur le long terme, et qu’il n’y a rien de pire que l’ignorance de soi.

Leïla

Il y a deux-trois ans j’ai totalement arrêté de prendre des drogues, car je sentais que je commençais à perdre pied. Dernièrement j’ai ressenti une amélioration, je retrouve ma fraîcheur d’antan, celle de quand j’étais vraiment impatiente d’aller voir jouer un artiste en club avec quelques verres dans le nez et des potes de bonne humeur. Marre des yeux vitreux, des bégaiements des gens qui ont perdu des bouts de cerveau à force d’afters forcenés et de l’abrutissement général de personnes qui refusent de se confronter à leurs affects. Oui la vie c’est dur, mais n’oublions pas que nous sommes des privilégiés en Europe et que nous avons de la chance de vivre dans des villes comme Paris ou Berlin où la vie culturelle est intense et ne nécessite pas que l’on se défonce en permanence.

Aurélie

Moi, qui, un soir de tourmente, et pour faire comme tous ces autres qui me rendaient folle, pris une dose trop forte à un inconnu dans les toilettes d’un bar de Hambourg, à l’insu de mes amis, et me retrouvais proche de l’overdose, accrochée à une rambarde du port, les yeux fermés pour ne plus voir les grues du port se démultiplier, surgir devant moi comme des créatures immenses et malfaisantes, à un rythme vertigineux qui les faisaient se décupler et toujours grandir, tandis que le sol sous mes pieds se dérobait, que les sons devenaient métal, explosion, hurlements aigus, cris à la mort, la mâchoire si serrée qu’il fut impossible à mes amis paniqués de me faire vomir, malgré mes supplications susurrées à toute vitesse, presque incompréhensibles tant ma mâchoire grinçait, tant je ne pouvais la délasser pour articuler, malgré ces mots déformés qui me parvenaient, de très près de très loin de très près d’où enfin? Tour à tour inaudibles puis hurlés à mon oreille, mes propres mots en vérité : « C’est beaucoup trop fort… Beaucoup trop fort… »

– Aurélie tu as pris quoi ?

– Je sais pas…  »

Rien de grave, donc. The occasional goodie. On gère.

Justine

Je suis cette fille promue à un avenir brillant, entourée, socialement « in ». Mais je suis aussi cette étudiante, qui couve au fond de son lit, sa redescente… je suis celle qui complètement défoncée a couché avec n’importe qui, n’importe où et n’importe comment. Je suis devenue le portrait type de ces gens qui se croient « in » car la coke c’est « cool ! «  Je suis désormais celle qui a honte quand en soirée on lui balance « elle est où la reine des soirées qu’on a connue ?  » Qui lâchait 500 balles en boîte, « allez sinon t’as pas un trait ? » Samedi soir, une amie :  » On t’aime, on veut redécouvrir celle que tu as toujours été. Et non cette conne arrogante que tu deviens après 4 verres et 1 g.  »

Valentin

Coup de foudre. On a commencé à sortir ensemble. Tout se passait bien. On est allé à un festival ensemble.  Ça faisait un mois qu’on était en couple. Et là, pour « tenir » tout la nuit, elle a pris de la coke. Le premier soir, puis le second. Moi je n’avais besoin ni d’alcool ni de drogue, mais autour de moi, pour tout le monde, ça semblait presque fondamental. Ça ne faisait pas longtemps qu’on était ensemble, alors pourquoi allais-je la réprimander, jouer le moralisateur ? Je l’ai laissée faire. Mais dès l’instant où elle a tapé, je ne l’ai plus reconnue. Son regard était froid. Elle était distante. J’ai décidé, le second soir, de rentrer me coucher.

Le lendemain matin, on s’est retrouvé, je venais de me réveiller quand elle rentrait de la fête, en descente. Evidemment, ça s’est mal passé, parce que j’étais pas bien, je le vivais mal. Et je lui ai dit pourquoi. Et je suis passé pour le rabat-joie, qui « gâche tout ». On n’en a pas reparlé. Mais je savais que lors de ses soirées, avec ses copines, elle remettait ça, « pour tenir », toujours. C’était selon elle, une consommation récréative, festive, rien de grave. Je n’étais pas là pour les fêtes. En revanche, il fallait que je sois là pour l’aider dans sa descente. J’étais profondément amoureux, donc je tolérais.

Audrey

Je voulais te dire que la coke fait un ravage autour de moi aussi…  Au Québec (à Montréal plus précisément), les gens en font beaucoup trop et souvent c’est simplement pour être « trop top » et respecté…  Pourtant, c’est tellement chiant quelqu’un sur la coke, ça se croit le meilleur et ça s’écoute parler… Je dis pas qu’il faut jamais essayer la drogue, faut faire ses expérience quand même, mais la cocaïne n’en vaut pas la peine d’après moi…

Emilie

Je suis une « fille de la nuit » comme tu dis, attirée par les grandes villes de la fête (j’ai vécu à Montréal, Amsterdam et aujourd’hui Berlin). Je suis rentrée dans ce cercle vicieux, jusqu’au point d’héberger mon dealer de coke plusieurs semaines, de vendre mes appareils photo, ce qui était pourtant ma passion (…) J’ai fait des choses totalement à l’opposé de mes valeurs, de ce que je crois.

La drogue à Berlin, c’est clairement la pire qualité que j’ai pu tester. C’est la pire merde du monde, des lendemains à grelotter et à saigner des dents, des maux de têtes qui durent deux jours, et toutes les doses coupées à moitié au speed, donc pas du tout high, mais carrément stressé et paranoïaque pendant la montée.

Mais ce qu’il y a de pas plus mal là-dedans, c’est que ça m’a carrément dégoûtée de la drogue, et aujourd’hui je prends plus rien. J’en ai rien à foutre de passer pour la catho, d’être coincée ou de manquer des afters, j’ai raté trop de belles aprèms ensoleillées au Mauerpark ou à Tempelhof enfermée seule dans ma chambre. Ça vaut pas le coup, la vie est trop belle pour ça.

Je soulève maintenant une autre question : pourquoi ? Pourquoi les jeunes se défoncent tant ? Moi je pense que la jeunesse européenne aujourd’hui est malheureuse. L’Europe est malheureuse. La drogue, les suicides, les anti-dépresseurs, on est les meilleurs sur la planète dans le genre. En se droguant, les jeunes cherchent à s’enfuir, à oublier une réalité, qui leur fait clairement peur. La santé psychique de l’Europe est selon moi, mal en point. Si on ne nous donne pas plus d’espoir en l’avenir, c’est encore bien plus bas qu’on pourra tomber.

Réalise tes rêves, va prendre le soleil, voyage, mais oublie tout ce qui t’a amené à te retrouver devant cette poudre, qui au lieu d’être blanche, devrait être noire.

Thomas

Dix-sept ans, déjà le bordel dans ma tête, et ce n’est que le début de cette génération de drogués. Tu verras dans dix ans des gamins de onze ans taper des rails. J’espère que cette génération déglinguée de plus en plus jeune compte se réveiller, mais de ma part c’est impossible que je puisse donner une leçon.

Caroline 

Berlin est devenue lentement, mais sûrement pour moi la capitale de la fuite, le QG des esprits parfois perdus et qui cherchent dans la fête et la consommation excessive de drogue une réponse à un vide existentiel. Ce qui est décourageant, c ‘est de constater que l’effet de masse entretient la bonne conscience collective : « Nous faisons, donc nous sommes »  pourrait-on dire. La cocaïne, la MD et le reste font ressurgir chez les plus sombres aspects de la personnalité. C’est un cache misère. J’ai appris à détester cette poudre. C’est une rivale insidieuse. Alors voilà, en ce lundi matin, merci beaucoup car au milieu des nuits berlinoises, je me sens désormais moins seule.


La coke à Berlin (et ailleurs) : vos témoignages

Cher lecteurs, le succès de mon dernier article, repris sur Rue 89 et Konbini, me pousse à imaginer une suite. C’est étonnant de voir à quel point nous sommes tous touchés par le problème de la cocaïne à Berlin – et pas qu’à Berlin, comme le prouve vos magnifiques mails et commentaires de Paris, Lausanne, Lyon, Londres…

Konbini m’a demandé de regrouper certains de vos témoignages de manière anonyme pour continuer à parler de ce problème. Je vous demande donc votre accord dans ce billet. Merci de m’écrire par mail (generationberlin030@gmail.com) ou dans les commentaires. Votre anonymat sera respecté, les noms seront modifiés.

Bien à vous

Votre Manon