Crédit:

C'est pas les concombres, c'est les amandes!

Au Neue Odessa Bar à Berlin, le concombre ne tue pas.

Les concombres, puis les tomates, puis les graines germées tueuses : l’Allemagne flippe au rayon frais. La bactérie E.coli, qui a contaminé quelques assiettes germaniques et maintenant certains steaks hachés vendus en France, fait frémir les consommateurs… mais ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’un autre aliment à l’allure inoffensive peut se révéler fatal. Récit berlinois de ma copine Cécile, qui a frôlé la mort pour avoir englouti cinquante grammes d’amandes amères.

À Berlin, il y a un mois, quand l’épidémie d’E.coli s’est déclarée et que le gouvernement eût trop tôt fait d’incriminer le concombre espagnol, il était de bon ton de se lâcher sur le Moscow Mule dans les soirées branchées en ville. Le Moscow Mule ? Un cocktail fait de vodka, de citron vert, de ginger beer… et de zeste de concombre. Les élégantes titubaient sur leur sandales à talons dorées, ivres de joie à l’idée de braver l’interdit alimentaire. Ah, Berlin la décadente!

Et, bien qu’au Neue Odessa Bar, jamais en reste en termes de coolitude, l’on eût inventé le Moscow Mule SANS concombre pour l’occasion, ces dames et ces messieurs de la hype le boudaient. « On veut du concombre! » s’exclamaient-ils, derrière leurs Ray-Ban fumées qui les protégeaient des lumières scintillantes répandues par les boules à facettes et les lumières tamisées du bar. « On ne croit pas à ces conneries! C’est pour nous faire oublier qu’on bombarde des enfants en Lybie que les journaux sèment ces rumeurs terrifiantes! » Et, en effet, si l’on en a retrouvé certains le nez dans le caniveau vers six heures du matin, ce n’était pas à cause du concombre.

Ma copine Cécile, dont je vous ai déjà parlé, elle, se fout du concombre et des journaux (elle n’a même pas de téléphone portable, comme je vous le racontais). En revanche, elle avait découvert qu’elle avait un vilain candida* dans la bouche dû à un excès de consommation de sucre. Elle se décida donc à cesser de boulotter du chocolat et voulut se rabattre sur une douceur « saine ».

La voilà au supermarché bio du coin, tombant sur un épais paquet d’amandes qui lui fait de l’œil. « Amandes amères », dit l’étiquette, il faut le préciser. Ma pote se dit: amer, c’est le contraire de sucré, c’est bon pour mes dents. Elle embarque le paquet et remonte sur son bicloune. Là, enfourchant sa selle, elle s’envoie la moitié du paquet dans le gosier, soit cinquante grammes. Au bout de trente minutes, elle s’arrête, prise de sueurs. Elle s’installe sous un porche et attend que ça passe. Et perd connaissance.

Elle se réveille entourée d’infirmiers penchés sur elle.

« C’est pas les concombres! » s’empresse-t-elle de hurler. Elle agrippe le bras du docteur, persuadée d’avoir trouvé la solution et de sauver tous les consommateurs allemands au prix de sa vie. « C’est les amandes! » Ce disant, elle vomit encore une fois sur la blouse blanche la plus proche d’elle. « J’ai mangé cinquante grammes d’amandes amères, c’est les amandes qui sont contaminées! »

On lui administra un bon lavage d’estomac avant de lui faire comprendre que les amandes amères sont bourrées de cyanure et que cinquante grammes suffiraient à tuer une femme de sa corpulence. Paraîtrait même que certains, au XIXe siècle, se seraient suicidés à coups d’ingestion d’amandes amères, lui dit-on encore. Cécile se rend compte que Dieu existe et que la vie est bien courte, bon sang de bon soir. Elle va en faire des trucs dans sa vie, maintenant, Cécile!

On fouille dans le sac de Cécile et on retrouve les amandes tueuses. Sur le paquet, nulle tête de mort. Il est simplement écrit, en tout petit, qu’ « il vaut mieux les faire cuire avant de les consommer ».

6 cl de vodka, un doigt de ginger beer, deux zestes de concombre, une cuillerée d’amandes amères pilées : maintenant, vous avez la recette parfaite du cocktail parfait de la fin du monde. Et en vente libre, en plus. Prosit!

*Un candida, c’est un champignon en langage pas dégueu.

PS : chers lecteurs, vu que bon nombre d’entre vous adorent Berlin, et souhaitent connaître mes bonnes adresses, je vais commencer à les publier au compte-gouttes et à les intégrer à une rubrique « mes bonnes adresses à Berlin » (comme c’est original).

En voilà une, donc, le Neue Odessa Bar, temple branché de Mitte, chic et cher pour Berlin, mais tellement hype avec ses DJs pointus et sa clientèle de top-models et d’agents d’acteurs de cinéma. Les cocktails y sont bons, le volume très fort le week-end, et les jupes des filles inexistantes à force d’être courtes. Les garçons, Dieu merci, n’y sont pas rasés de près.

NEUE ODESSA BAR, Torstrasse 89, 10119 Berlin, ouvert tous les soirs à partir de 19h. Métro Rosenthaler Platz ou Rosa-Luxemburg Strasse.

Partagez

Auteur·e

manon

Commentaires

florian
Répondre

Les concombres tueurs? Muhahaha! Trop bien ton histoire. J'imagine sans mal la scène du réveil. MDR. Kisous!

florian
Répondre

Naaaan! Les amandes tueuses plutôt ;)

David Kpelly
Répondre

Bah, mange plus ni les concombres ni les amandes, je t'envoie des poulets africains. Tu veux?

Manon
Répondre

fais péter

Agnès
Répondre

Rassure-moi, c'est une blague ? Ton amie n'a pas réellement bouffé 50g d'amandes amères crues ?! Comment a-t-elle fait? C'est dégueu les amandes amères crues (dégueu dans le genre: si j'ai mauvais goût c'est parce que je contiens du poison).

Manon
Répondre

si tu savais, c'est une warrior...

JM
Répondre

Et une survivante ! Tu lui as demandé si elle a vu la lumière au bout du tunnel ? En tout cas c'est flippant ces histoires... c'est fou qu'il n'y ait pas d'avertissement sur les paquets. Les boules !