Dans l’espoir que Mme Merkel ne souffle pas trop d’idées farfelues à notre François national…
Cela fait un mois que je suis en France pour raisons professionnelles. Il me suffit d’allumer la radio pour entendre, tous les jours, certains économistes et hommes et femmes politiques vanter le modèle économique allemand. Miss Merkel est venue tancer le gouvernement cocorico sur ses mauvaises notes. Chez beaucoup d’Allemands de ma connaissance s’est également répandue l’idée saugrenue que leur économie est en pleine forme. Certes… mais à quel prix ? Celui de la jeunesse sacrifiée, de nombreux salaires misérables sans revenu minimum, et d’une protection sociale qui laisse grandement à désirer.
Loin de moi l’envie de vous faire un billet économique. J’en serais bien incapable. Mais moi qui vis à Berlin, je suis navrée : je ne souhaite pas aux Français de connaître Hartz IV (l’équivalent allemand du RSA), ni le chaos des assurances maladies multiples et hors de prix, ni la médecine quasiment à deux vitesses, ni le minijob à 400 euros. Non, je ne souhaiterais même pas ça aux Suisses – qui pourtant le mériteraient, à force de planquer les dollars tachés de sang des pires mafias du monde. Lexique des mauvaises idées deutsch, à ne surtout pas reprendre par le nouveau gouvernement français.
Hartz IV
Probablement l’idée la plus nulle que des socialistes allemands aient jamais pu avoir. Hartz IV, c’est ce qui vous attend quand vous n’avez plus droit à rien, une sorte de RSA. Mais pour ça, il va vous falloir passer par les mains d’un service appelé Job Center et que pour ma part j’appellerai volontiers Humiliation Center. L’on vous y fait attendre debout, en file, sous le regard d’un cerbère, comme pour bien vous faire comprendre que, pauvre, vous êtes un criminel en germe.
Il vous faudra présenter vos extraits de compte tous les mois. Gare à vous si ce dernier montre une mention du genre « LE RESTAURANT MORITZ VOUS DIT MERCI! » Quoi, manant, vous avez osé aller au resto pour votre anniversaire au lieu de manger des raviolis Lidl? Gare à vous aussi si votre compte montre le moindre dépôt d’argent alors que vous êtes censé vous débrouiller avec les 400 euros du Hartz IV. Votre sœur vous a prêté cent euros? Planquez vite ça sous le matelas.
Autre horreur liée à Hartz IV : le job à 1 euro. Si vous refusez pour la troisième fois de prendre un boulot d’assistant en boucherie à Leipzig alors que vous êtes diplômé en informatique et vivez à Berlin, l’État peut vous forcer à travailler pour une foule de boîtes qui vous paieront… 1 euro de l’heure. Un peu comme dans un sweatshop en Malaysie, quoi.
En 2011, Hartz IV a été déclaré contraire à la Constitution allemande. Ce qui ne l’empêche pas d’être encore en vigueur.
Les caisses d’assurances maladie
Contrairement à la France, où l’on a sa sécu + une mutuelle, l’Allemagne dispose d’un double système d’assurance maladie : la publique et la privée. Les caisses publiques sont peu flexibles et plutôt destinées aux salariés en CDD ou CDI. Elles offrent une bonne couverture sociale. Assez chères au départ, elles sont sur le long terme moins coûteuses pour l’assuré. Les caisses privées sont plus souples, mais une fois que vous y avez été assuré, vous ne pourrez presque jamais plus retourner dans un système d’assurance publique. Les employeurs comme les salariés, les chômeurs et les free-lance en perdent leur latin.
Elles encouragent un système de santé à double vitesse. Les assurés privés obtiennent des rendez-vous beaucoup plus vite et plus tôt que les assurés du public.
Il est facile en France de montrer du doigt la dette de la santé publique : dans l’ombre, les multiples caisses d’assurance maladie allemandes sont presque toutes en faillite ; mais atomisées, leurs dettes sont moins visibles.
Le minijob
L’un des plus grands scandales allemands, à mon avis. Comment un pays aussi civilisé que celui-ci peut-il volontairement sacrifier sa jeunesse avec le système du minijob? Le minijob permet aux entreprises de payer ses salariés 400 euros par mois, sans verser de charges sociales, celles-ci étant prises en charge par l’État, si vous êtes étudiant.
Malheureusement, le système du minijob peut être appliqué à n’importe quelle catégorie sociale. Nombre de jeunes gens sont obligés d’accepter ce job à 400 euros, même s’ils ne sont plus étudiants, tout simplement parce qu’il n’y a rien d’autre. Tenez-vous bien : dans ce cas, ils doivent payer leur sécu eux-mêmes. Et celle-ci oscille entre 200 et 300 euros par mois!
Les entreprises allemandes usent et abusent du minijob. Après des années de stage sous-payées, les jeunes diplômés doivent encore se taper l’humiliation du minijob. Parents, mettez la main à la poche si vous ne voulez pas voir vos enfants sombrer dans la dépression!
L’absence du revenu minimum
No comment. La simple évocation de l’absence de revenu minimum me fait bondir!
Il m’est arrivé de travailler avec une équipe dans laquelle des gardiens de musée, par exemple, étaient payés 4,50 euros de l’heure. Ils avaient tous plus de quarante-cinq ans, une expérience de plusieurs années dans le métier (sécurité des visiteurs, connaissance de plusieurs langues pour l’accueil des étrangers, connaissance des collections du musée, bases d’Histoire de l’Art…!!!) une famille à nourrir et ils faisaient des kilomètres en S-Bahn (équivalent du RER) pour venir travailler.
Cher François, cher Président français. N’écoute pas trop ceux qui te serinent que l’Allemagne se porte comme un charme. Les dépenses de santé, la protection des salariés et des chômeurs sont à mon avis indispensables à la cohésion sociale. On a tendance à l’oublier. On verra ce qui se passera quand il n’y aura même plus Hartz IV en Allemagne… Mister Hollande, si tu veux piocher dans les idées de Miss Merkel, je t’en supplie : ne va pas pêcher celles-là.
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