Calendrier 2011 par l’artiste Timo Schmitt, chat Mumin de l’artiste Bine Hu
Chacun cherche son chat, et l’une de mes résolutions de 2013 est justement de mener une vie plus régulière, plus saine, en adoptant… un chat. Le chat serait l’ami du fêtard berlinois, son repentir, son salut. Il forcerait le party-animal à rentrer chez lui, à se lever pour ouvrir la porte à son compagnon à poil, des trucs comme ça. La question de cette fin d’année 2012, donc, est la suivante : pour devenir une femme parfaite, dois-je, moi aussi, adopter un chat berlinois?
Il est notoire que la fête est la meilleure ennemie de tous les Berlinois. Un nouvel arrivant dans la capitale allemande se jette immanquablement à corps perdu dans le tourbillon de la nuit électrodeutsch. Clubs oufs, bières et cocktails à deux sous, liberté sexuelle, liberté de déguisement (à ce niveau-là on ne parle plus de mode) sont les atouts majeurs des fêtes berlinoises. La fiesta commence environ le jeudi soir et s’arrête quelque part dans la journée du lundi, à un horaire indéfini, sur un terrain vague, en pleine descente de griserie.
Mettons que vous soyez étudiant : cela ne dure qu’un temps. Une fois votre Erasmus terminé, vous rentrerez à peu près dans le rang et vous pourrez vous construire un avenir. (Quoique. Mais nous débattrons de cela plus tard).
En revanche, si vous avez le malheur d’appartenir à l’une des catégories socio-professionnelles suivantes, vous êtes perdu : musicien, acteur, réalisateur, écrivain, journaliste, graphiste, web-designer free lance, publicitaire, chargé de projet dans l’événementiel, peintre, sculpteur, plasticien, illustrateur, styliste, technicien du spectacle ou du cinéma, danseur, stagiaire à l’Ambassade de France, minijobeur ou chômeur. Sans horaires fixes, sans autre discipline que la vôtre, vous vous faites littéralement bouffer par la fête cinq fois par semaine. Généralement, le week-end, quand les autres sortent, vous dormez pour ne pas mourir.
Pire que tout, mes amis, l’alcool ternit les cheveux, fait grossir et vous mène dans des draps indésirables. Ce n’est pas Bridget Jones qui dira le contraire. Ayant une nature de Partytier (« animal de fête ») comme on le dit joliment à Berlin, je cherche à adopter un chaton pour contrer la bête en moi, retrouver des cheveux éclatants, une ligne de bombasse et éventuellement, ma virginité.
Mon ex-Prinz, qui fait partie d’un groupe de rock berlinois très sexy, était un junkie de nuit de premier ordre. « Au début, se lever à 17h, ça fait bizarre. Après deux semaines, c’est les autres qui sont bizarres », telle était sa devise. Toutefois, pour ne pas crever un jour dans les toilettes sales d’un club à sept heures du matin, il s’est acheté un chat. Et ce chat a sauvé sa vie, tout en nous conduisant à la rupture.
L’ex-Prinz en question s’est mis à aduler cette boule de poils, rentrant à minuit, ne buvant pas pour être capable d’ouvrir la boîte de Whiskas à son retour à la maison, se promenant avec du gravier à litière entre deux concerts. Photos du chat jouant avec un bouchon de pinard, photos du chat rêvassant à la fenêtre de son appart’ déglingué, photos du chat sautillant sur les touches du piano : son mur Facebook ressemblait à un calendrier pour maison de retraite.
Couverte de poils (super-longs, car la bête est de race) et agacé par cette chute de rock n’rollisme chez mon amoureux, je pris mes cliques et mes claques pour continuer les nuits berlinoises de mon côté.
Mais vient le temps où, telle Bridget Jones donc, je me rends compte que je suis trentenaire, que j’ai des films à faire, peut-être (qui sait), pire, des enfants (un jour, un jour lointain). J’ai pas mal d’heures de sommeil à récupérer, quelques petites culottes devenues trop petites et je ressens une certaine fatigue à raconter des idioties dans les bars à partir de cinq heures du matin.
Je voudrais un Chartreux. Ils sont gris, ont le visage fin, la queue touffue (c’est justement ce contraste qui me plaît) et des yeux d’or liquide. Il paraît qu’ils sont très résistants à la maladie. C’est important. Je n’aimerais pas refiler une gastro malheureuse à mon pauvre minet. Je pense le baptiser Sigmund (comme Freud) ou Lexomil, car il est censé me tranquilliser. Mais une boule de poils gris-bleu peut-elle parvenir à combattre ce virus terrible des nuits berlinoises, dont je n’ai pas su me débarrasser en quatre ans?!
Vais-je devenir une freak du chat, une mémère débile? Chers lecteurs, qu’en pensez-vous et que me conseillez-vous?
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