Crédit:

J'ai raté mes deux semaines sans alcool à Berlin

Screen shot 2014-07-06 at 21.17.26

Il y a presque un mois, je me suis publiquement lancé un défi sur la page Facebook de Génération Berlin : pas d’alcool pendant deux semaines. L’idée était de tester les limites de la vie sociale berlinoise, réputée pour sa festivité. Un échec total.

Avant de commencer mon challenge, j’avais posté l’annonce que je commencerai mes deux semaines sobres le lundi, car le week-end s’annonçait trop prometteur. D’ailleurs, mon amie Lolita, du blog J’aime ton wine, débarquait le samedi matin et il n’était pas question de faire abstinence le jour de son arrivée. Se priver de déguster du vin avec une pro du pinard est complètement couillon, si vous voulez mon avis.

Cependant, nous avons attaqué par une série de cocktails au Club der Visionäre et au nouveau White Trash près de la Spree et nous décidons de finir cette belle soirée dans un karaoké en entraînant nos pauvres compagnons d’infortune. Là, dans cet antre du micro gueulard, Lolita descend des mojitos en chantant Joe le Taxi devant un Allemand écarlate et en sueur à force de désir, tandis que je constate que l’alcool ne me fait bizarrement rien, cette nuit-là. J’ai simplement envie de chanter et je me fous du reste. Cela m’encourage : je n’ai pas besoin d’être désinhibée par l’alcool pour m’amuser et je suis sûre que ces deux semaines passeront comme une lettre à la poste. 

La nuit d’après, je fête ma future sobriété en dégustant un excellent rhum dans un petit rade de Kreuzberg en regardant dans les yeux un bel Autrichien qui ressemble à Astérix et porte un T-shirt du Club Alpin d’Innsbrück. (« Che suis moniteur de ski », me dit-il avec un sourire moustachu.)

LUNDI

Le lendemain, Lolita et moi nous prélassons sur une plage de la Baltique et refusons en choeur le Weissweinschorle (vin blanc additionné d’eau pétillante) que veulent nous servir nos amis. Faut pas déconner non plus, on est Françaises. Je n’ai donc pas beaucoup de mérite.

MARDI

Au deuxième jour, les choses se corsent : un copain vient dîner et Lolita a choisi un Riesling dont la seule étiquette me donne envie d’orgasmer. Pendant qu’ils picolent, je me venge sur le poulet aux olives et descends de la Bionade. Thomas et Lolita s’échauffent, blaguent, rigolent, leurs gestes deviennent plus brouillons, ils ont l’air de super bien s’entendre. J’ai le sentiment d’être une nonne. Plus tard, sur le balcon, ils attaquent le Pinot Grigio quand j’en suis à ma troisième Bionade. En rotant discrètement, je mate mon nouveau voisin d’en face, une bombe sexuelle qui se promène tout le temps à demi nu de sa démarche féline. Si j’avais bu, je lui aurais sûrement crié d’un balcon à l’autre de nous rejoindre pour un petit verre. Au lieu de ça, je le reluque en me disant que je rate peut-être l’homme de ma vie/nuit.

MERCREDI

Je suis heureuse de me réveiller pimpante, prête à mordre la vie à pleines dents même après un dîner qui aurait sûrement fini en fiesta échevelée, pendant laquelle Thomas aurait sans doute tenté un ménage à trois que nous aurions refusé à grands cris ivres. La sobriété a du chic. 

Le soir, après une longue balade à vélo, Lolita et moi sommes alpaguées par la barman française d’un des bars de Neukölln. Compréhensive, la jeune fille me sert une bière sans alcool. La première de ma vie. Alléluia! J’ai trouvé la panacée, me dis-je. L’effet placebo est tout à fait convaincant. Je n’ai pas l’impression de dépareiller. J’en bois deux. Mais je sens que Lolita fatigue malgré ses efforts. C’est rasoir de sortir avec une sobre. On rentre vers minuit.

JEUDI

Lolita a une dégustation dans un bar. Je goûte et je recrache. Pas trop frustrant.

VENDREDI

Après le départ de miss J’aime ton wine, tout se déroule sans accroc. J’ai du boulot, je pense à autre chose…

SAMEDI

Je me suis sauvagement endormie la veille à 22H, ratant le concert d’Electrosexual que j’attendais de pied ferme. En me réveillant à cinq heures, je découvre un SMS enjoué d’un copain DJ de Bali :

Je joue au Golden Gate à sept heures, je t’emmène, on se fait un petit-déj avant!

Chose dite, chose faite. Après un bon café serré, nous voici derrière les platines. Sur la piste, les danseurs ont l’air bien plus normaux que je ne l’imaginais. Mon pote me présente des Balinaises qui dansent derrière les DJs : elles sont en plein jet-lag et en vilaine montée de mdma. Personne ne boit, tout le monde est à la flotte, c’est l’effet pervers de leur drogue, ce qui m’arrange bien.  Je danse à jeun, pleinement sobre. Je trouve les conversations assez connes, donc je me concentre sur la musique. Et je rencontre un mec sympa, mignon, 38 ans, drôle (rarissime pour un Allemand) que j’emmène chez moi un peu plus tard.

DIMANCHE

Le monsieur ne voulant pas rentrer chez lui, et moi ne souhaitant pas le renvoyer non plus, je craque. J’ouvre la bouteille de blanc qui attendait la fin de mes voeux de sobriété dans mon frigo. On se l’est bue avec un plaisir d’autant plus grand que je bravais un interdit. Exquis.

LUNDI

Enorme sentiment de culpabilité. Je bats ma coulpe et bois deux litres d’eau filtrée Britta, en me jurant de tout avouer à mes lecteurs, mais de reprendre mes voeux à partir d’immédiatement tout de suite là maintenant.

MARDI

La culpabilité s’éloigne. Je me demande pourquoi j’ai commencé ce pari de toute manière. Un copain me propose par SMS de le rejoindre à un concert de jazz.

Je ne sors pas, j’ai peur de boire, réponds-je.

Bizarre, rétorque-t-il.

Il a raison. C’est bizarre.

MERCREDI

Concert d’Arcade Fire à la Waldbühne de Berlin. Avec l’approbation complice de mon copain Lulu, je me rebelle et achète un mojito. Je le bois en tombant amoureuse d’Owen Pallett. Lulu se fout de ma gueule. Il essaie de refermer ma bouche qui bée devant ce musicien surdoué à la voix d’ange. Avant de faire une pause pipi, je reprends un mojito pour surmonter l’émotion qui me submerge.

JEUDI

Je me sens de nouveau coupable mais décide de mentir à mes lecteurs et de ne pas poster sur ma page Facebook que j’ai bu (PARDON). Puis on m’apprend qu’Owen Pallett est gay. Désespérée, je demande à ma coloc italienne si elle n’a pas envie de goûter à cette petite liqueur d’Amaretto que lui a rapporté sa mère. Elle acquiesce.

VENDREDI

Allongée sur le divan du psy, je comprends que mon caractère est fondamentalement adolescent et tourné vers la bravade d’interdits et que ce défi va en fait me rendre alcoolique. Je m’autorise donc un week-end de débauche absolue… et n’ai finalement qu’une envie : rentrer me coucher avec une tisane.

SAMEDI

Tisane.

DIMANCHE

Tisane.

Conclusion : on peut vivre à Berlin sans boire, ce n’est pas du tout un problème (peut-être même moins qu’à Paris, où les gens hurlent dès qu’on refuse un verre de vin). Mais franchement… ça n’en vaut pas la peine! 

Partagez

Auteur·e

manon

Commentaires

Julien
Répondre

C'est bien réussi pour un début, je l'espère bien ! D'ici peu tu nous conteras 1 mois sans alcool à Berlin, hahaha !

Guillaume
Répondre

J'adore, bel article :)

Algue
Répondre

Ils sont malins ces Allemands d'avoir inventé la Schorle ! Autant c'est bon avec du jus de pomme, délicieux avec du sirop de rhubarbe, ça a l'air tellement infect avec du vin que je n'ai jamais osé goûter. J'ai donc failli devenir complètement sobre en Allemagne. Sauf que ... j'ai fini par aimer la bière.

Yelyam
Répondre

Intéressant point de vue à propos d'une substance consommée de façon bien plus massive que la cocaïne (et à bien des égards faisant beaucoup plus de dégâts que celle-ci et à plus grande échelle)....

Je ne peux donc pas m'empêcher de faire un parallèle (inversé) avec un autre article publié ici... ;-)

Jonathan
Répondre

Quelle surprise de lire que tu étais également au concert d'Arcade Fire à Wuhleide en juin 2014.
Admirateur du blog, je me sens un peu comme si j'avais inconsciemment côtoyé une star. :')

manon
Répondre

Ahahah merci Jonathan, c'est vraiment chou. C'était un beau concert!