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"Bevor" Sunrise à la berlinoise

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À la demande de mes lecteurs tombés en amour avec Markus, le beau Suédois rencontré dans la file du Berghain il y a six ans, voici la suite de cette épopée sentimentale à la Before Sunrise* (attention, on frôle le roman-photo, les amis!)

Je vous racontais il y a quelques temps comment j’avais rencontré Markus – il venait de Stockholm, avait les cheveux blonds et les yeux verts (et il sentait bon le sable chaud, mon légionnaire) et je vous disais la passion qui anima l’unique semaine que nous passâmes ensemble.

Six ans plus tard, en mars, je recevais un mail de Markus. Il allait venir à Berlin en juin pour son travail et voulait me voir. Il me proposait de passer cinq jours ensemble à regarder des films, à boire du thé et du vin en discutant de la vie, de littérature et de voyages, comme nous avions aimé à le faire six ans auparavant. La demande me surprit, mais je n’ai jamais dit non aux belles choses. Peu importe qu’elles soient éphémères.

Autant vous dire que j’attendais le mois de juin comme le Messie. L’aventure était belle. Mais soudain Markus m’écrit qu’il ne pourra rester qu’une nuit, qu’il a une réunion à Stockholm le lendemain à laquelle il ne peut couper. Mon instinct féminin se réveille : ça sent la greluche à dix kilomètres. Une jalouse hystéro était en train de me détruire mon week-end de retrouvailles avec le Suédois du passé. J’en étais sûre. Mais que faire? J’insistais donc pour prendre au moins un verre.

Je l’attendais à la terrasse de ce bar de la Schönhauser Allee, tandis que baissait le soleil doux des premiers jours de juin. Il faisait bon. Il sortit d’un taxi comme un guépard et, de ce pas dynamique que je lui connaissais, il traversa la rue en courant. Markus avait toujours été beau, mais six ans auparavant il n’était qu’un garçon. Tout à coup, j’avais devant moi un homme. 

Il s’assoit devant moi, avec le sourire du jeune homme d’autrefois, mais aussi les petites rides délicieuses que la joie amène au coin des yeux – et je fonds comme neige au soleil du printemps berlinois. Aussitôt nous déroulons le fil des années passées, au milieu de mille éclats de rire et de quelques verres de Sekt-Aperol. Il a un dîner de boulot – car le jeune homme bohème qui rêvait d’écrire un roman est devenu directeur marketing d’une grosse boîte suédoise. Un coup d’oeil à sa montre, une heure de retard. Il me regarde perplexe, puis éclate de rire.

C’est à cause de toi. 

On décide de se retrouver un peu plus tard. Lorsqu’il arrive, mon coeur bondit de manière inattendue. Je me rends compte qu’il m’a manqué terriblement pendant ces deux heures passées sans lui. Je le regarde entrer dans le bar et j’ai l’impression que mes glaçons s’entrechoquent dans mon verre, ou bien ce sont mes genoux, ou mes dents, enfin bref, je n’ai pas l’air bien fin.

On trinque. Il rencontre mes amis et les séduit tous. On rit. Je lui demande ce qu’il en est de son rêve d’écrivain.

C’est prévu, répond-il. En février je plaque mon boulot et je pars vivre à Santorin. J’ai économisé toutes ces années pour écrire ce livre. 

Il voit que je suis émue. Je suis fière de lui. Soudain il me prend par le bras, m’amène à l’écart. Tout à coup il m’avoue tout. Il vit avec une femme, il ne veut pas la trahir, il ne veut pas être un salaud, c’est pour ça qu’il a tout annulé, mais il ne m’a jamais oubliée, il voulait me voir, être sûr, sûr que cette extraordinaire connexion était toujours bien vivante et maintenant qu’il s’en est assuré, il ne sait plus quoi faire, il est bouleversé. Je le prends par le bras sans un mot et nous nous enfuyons du bar avec nos verres.

On marche dans Berlin. L’île des musées scintille dans la nuit. Les ponts sont déserts. On parle. Moi non plus je ne l’ai pas oublié. Il me prend la main, on se regarde. C’est tout. Quand il monte dans le taxi je le serre dans mes bras. C’est tout.

Je me suis réveillée heureuse ce matin-là, vraiment heureuse de savoir que malgré les kilomètres et les années qui nous avaient séparés, il existe quelqu’un dans le monde qui sera toujours mon Loup des Steppes et pour qui je serai toujours Hermine aux portes du Berghain.

* Berghain : club techno légendaire de Berlin

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Auteur·e

manon

Commentaires

Mathieu Tascher
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Une histoire bien écrite, et j'aime bien la référence au Steppenwolf. Bonne journée ;) !

manon
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Merci Mathieu, bonne journée à toi aussi.

ophélie
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C'est beau.Merci de nous avoir fait partager la suite de ton histoire.

manon
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Merci Ophélie!

René Nkowa
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Oh là là ! Snif!
Les plus belles histoires d'amour sont celles qui gardent ce goût à la fois doux et amer d'inachevé.

manon
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C'est bien vrai hélas...

Pascaline
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Mais c'est ça qui les rends si spéciales... Car toutes les suites sont possibles! J'aime bien la chute ici...

Mohamed SNEIBA
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Merveilleux. Voilà le vrai bonheur, aimer tout en étant conscient que cet amour ressemble un peu au rocher de Sisyphe.

Manon
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Très joliment dit Mohamed! Merci.

Nora
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ahhhh ça, Manon, je crois qu'il faut que tu devienne romancière!!! Trop bien écrit avec style et délicatesse! J'ai aimé!!

Manon
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Oh Nora je rougis là : )

Luc
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Plus qu'attendre qu'il divorce quoi

Manon
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Quel cynisme épouvantable! Hinhin! Ca me plaît ce plan. Ca se provoque un divorce? De toute façon il n'est pas marié. Hinhinhin (rire diabolique et pervers de Française aux dents longues) (je me frotte les mains en même temps bien sûr) (je ressemble à Gargamel à l'instant)

Mélusine
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oh, c'est peut-être bien écrit, mais j'attendais une autre chute.....cela me rappelle trop mon histoire perso....et l'idée que quelque part, quelqu'un que vous aimez , lui aussi pense à vous est certes rassurante, mais tellement frustrante, quand l'histoire reste dans les étoiles.....ou y retourne.

Léa
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NON mais NON mais quoi là !

(j'ai le droit de faire des raccourcis ? oui ? merci ! )
C'est quoi ces suédois qui n'osent pas l'aventure et le grand 8 de l'amouuuuuuurrrrr !
Ah quoi ça sert la vie pour être maqué dans une maison (en Suède !?) en faisant de la direction marketing (en Suède !?) et rêvant de littérature (en Grèce !?).

Non mais NON ; Berlin is the answer !

Teaso
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Oh noon... c'était une belle petite histoire... mais triste :'(
(au fond de moi, j'espère qu'il y aura une suite!)

manon
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(moi aussi!)

Corto
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Certaines histoires sont faites pour être éphémères, et risquent de devenir trop routinières et finir par perdre cet éclat qui les faisait briller.
Vous avez réussi tout deux a respecter sa décision et c'est déja énorme, et beau

manon
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Merci Corto, tu as raison, c'est comme ça qu'il faut voir cette histoire... la beauté de l'éphémère est un cadeau!

LN
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Comme quoi ton instinct avait raison. C'est drôle les commentateurs se mettent à ta place et moi plutôt à la place de l'autre restée au pays. A sa place je préfèrerai savoir que cet amour silencieux existe et choisir ou non de vivre avec. Aimer une personne ne signifie pas que tout ton esprit doive appartenir à cette relation.

manon
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C'est une belle vision de la situation en effet.

NowMadNow
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Bonjour Manon,

après 40 minutes à lire vos articles les uns à la suite des autres, celui-ci m'a rappelé qu'il fallait que je laisse une petite trace de mon passage par ici.

J'aime beaucoup votre style pétillant et surprenant, et ces jolies références qui partent dans toutes les directions et électrisent vos récits.

Votre blog est rangé dans mes favoris, je reviendrai.

(* et attrape ce Suédois! *)

NowMadNow

manon
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Merci NowMadNow! Le Suédois est parti sur une île grecque écrire son premier roman, je doute que je le reverrai avant un moment.