Plaqué, largué, viré, le Berlinois! (photo Vice Magazine)
J’ai bien jeté ma gourme (ça fait longtemps que vous ne l’avez pas entendue, celle-là, hein?), maintenant je jette l’éponge, l’eau du bain et le bébé pareil, siphonnez-moi tout ça: je ne sortirai plus jamais, jamais, jamais, jamais de ma vie avec un Berlinois – qu’il soit allemand, français ou espagnol. En quelques mots, voici pourquoi.
Le jeune Berlinois est une espèce à part. Il vient de partout et de nulle part à la fois. Ces dernières années, les vertes collines bavaroises, autant que les côtes d’Armor, ou les sémillantes rues catalanes ont produit un nombre impressionnants de Berlinois. Qu’il s’appelle Juan ou Helmut, Peter ou Paul, le Berlinois a quelques traits de caractère immédiatement reconnaissables.
De l’Allemand, il a pris l’habitude exécrable de partager l’addition et de vous lancer la porte dans la gueule (on en a déjà parlé).
Du pauvre – car Berlin est « pauvre mais sexy », (d’après les mots du maire Klaus Wowereit, qui gagne 147.000 € par an) au point qu’elle n’est même plus si pauvre que ça du tout depuis que sa croupe aguichante attire les spéculateurs – du pauvre, donc, le Berlinois a pris l’habitude de jouer ce qu’on appelle ici les « Schnorrer », mot yiddish qui désigne ceux qui vous taxent une clope ou un euro à tout bout de champ et aiment beaucoup vider votre frigo en vous félicitant pour votre talent de cuisinière. Malin, le Schnorrer.
Du clubber, le Berlinois a pris le pli infâme d’être injoignable avant cinq heures de l’après-midi, heure à laquelle il se réveille après une nuit de folie (mardi soir) les yeux vitreux.
De l’artiste, car Berlin est la ville des artistes, paraît-il, le Berlinois a pris l’odieux ego. Ô sa liberté, ô sa fougue! Mettre cette fraîcheur en péril pour se livrer pieds et poings liés à une épouvantable mégère qui lui prendrait tout son temps et toute son inspiration géniale? Misère! Non, il vaut mieux continuer à se foutre les uns les autres dans les toilettes d’un club. Et pour oublier sa solitude, vers cinq heures du matin, reprendre un peu de drogue pour avoir le courage d’aborder une fille, ou simplement pour retrouver un semblant de désir charnel.
Mais de l’artiste, le Berlinois a oublié la délicatesse et le devoir de culture. Sa dernière lecture sérieuse remonte à sa gastro carabinée de l’hiver dernier, quand il a enfin fini Guerre et Paix sur le trône. Il n’a plus rien à raconter, ses seules sources d’information étant Facebook et Resident Advisor.
Alors, pour draguer, le Berlinois s’avance vers la donzelle aperçue au bar, et lui lance quelque-chose de méchant pour faire cool:
« Elle est moche, ta robe, pourquoi tu mets cette couleur? T’es jolie, c’est dommage. »
« T’as pas de mec? Pourquoi? Tu ne te sens pas seule? T’as pas d’enfants? Pourquoi? T’as jamais voulu te marier? »
Cela fait quatre ans que j’ai oublié ce que c’était d’avoir un rendez-vous avec un homme, de se faire belle pour lui, de le laisser choisir le vin au restaurant, de l’écouter me parler d’un film fabuleux qu’il a vu récemment, ou du livre qui l’a le plus bouleversé de sa vie, ou de la maison de son enfance.
A la place, le Berlinois et sa mèche cool me regardent de traviole à travers des vapeurs d’alcool et me proposent d’aller « taper une trace dans les toilettes » pour avoir un semblant d’intimité. Vous voyez d’ici ma moue narquoise et mon volte-face.
Alors voilà, messieurs les Berlinois, pourquoi j’ai pris la décision de vous laisser à votre liberté et à votre pauvreté, car moi-même, je n’ai pas assez de temps ni d’argent à consacrer à des… des… disons-le… des PARASITES!
Bon, alors, où est-ce que je vais aller flirter maintenant?
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