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Yaoundé : photocopier pour étudier

Gabin Igor Sobhegwa, étudiant et photocopieur

AVANT-PROPOS : Chers lecteurs, Génération Berlin est au Cameroun depuis une semaine avec RFI-Mondoblog… déménagement temporaire.

Dispersée entre les bâtiments de l’université de Yaoundé, une myriade de petites échoppes offre la possibilité aux étudiants de se restaurer, de louer des blouses pour les cours de médecine, ou encore de photocopier leurs cours en un tournemain. Photocopieur, c’est justement le job de Gabin Igor Sobhegwa, 23 ans, qui finance ainsi ses études en licence de biochimie à la Faculté des Sciences de Yaoundé. Si la rémunération attractive de ce petit boulot peut vite faire oublier les ambitions scolaires de certains, cette profession informelle reste cependant vitale pour la vie du campus.

Il est rapide, sérieux et commerçant. Autour de sa photocopieuse, installée en plein air sur le campus, les clients et les amis se pressent dans une ambiance conviviale. Gabin Igor Sobhegwa maîtrise à la perfection l’art de la photocopie, comme en témoignent ses feuillets noirs et blancs parfaitement alignés, dignes d’un Copyshop à l’allemande.

Pourtant, ce jeune homme est étudiant avant tout. Son petit job finance avantageusement ses études. Celles-ci lui coûtent 50.000 Francs CFA par an (environ 76 euros), et Gabin en gagne, dans les bons mois, jusqu’à 30.000. Pour 25 francs par feuillet recto-verso, il vend des photocopies depuis un an et estime que « par rapport à d’autres boulots, comme celui de balayer les amphis, par exemple, la photocopie, c’est mieux. On n’attrape pas de maladies, et à part les intempéries, on n’a pas à se plaindre ! ». Autre avantage considérable de cet emploi, la possibilité de photocopier ses propres cours sans frais.

Son patron, de deux ans son aîné, a rapidement préféré les aspects lucratifs de la vente de photocopies aux heures d’études dans les amphis. Yanick Bodo, 25 ans, était élève en licence de mathématiques lorsqu’il a décidé que ses études ne « cadraient pas avec ses aspirations ». Mais avec plus de 10.000 Francs de rentrées d’argent par jour, avoue-t-il, la photocopie présente surtout des avantages immédiats séduisants. Même si, pour cela, il faut travailler douze heures par jour. Yanick a acheté sa machine à un vendeur européen de passage pour la somme de 650.000 Francs. La photocopieuse grésille un peu, et lorsque je m’appuie dessus, je reçois un fort coup de jus qui le fait rire. « Pas forcément un bon investissement », s’écrie le jeune patron, « mais je vais me diversifier ». Dans quoi ? « C’est encore un secret. »

Yanick, le patron de la photocopieuse, gère avec adresse sa petite entreprise

La photocopie sur le campus est un commerce florissant, parce qu’il répond aux besoins réels des étudiants de Yaoundé. Anita, 20 ans, est étudiante en lettres modernes françaises. Elle est venue photocopier deux pages extraites du Père Goriot de Balzac. « Ce n’est pas cher », explique-t-elle, « et on n’a plus besoin de recopier à la main comme avant. »

C’est aussi l’avis de Jean-Jacques Mbida, qui nous reçoit dans son bureau du rectorat. Ce secrétaire est un ancien membre de la commission de suivi des petits commerces sur le campus. Cette commission, limitée dans le temps, n’existe plus depuis l’année dernière et a été remplacée par une simple équipe de contrôle. « En principe, bien sûr, l’université est un lieu clos », raconte-t-il, « mais les petits commerces informels répondent aux besoins des étudiants et permettent à certains de financer leurs études. Sur le plan social, ce n’est pas négligeable ».

La commission de suivi fut créée à la suite d’une invasion d’échoppes clandestines. Un emplacement pour une photocopieuse, par exemple, se loue 5000 Francs par mois. Pour un petit restaurant, il faut compter 10.000 Francs par mois. « Avant la commission, il n’y avait pas de grille de tarifs », explique Jean-Jacques Mbida, « le régisseur des recettes générales faisait payer à la tête du client. » L’équipe de suivi contrôle l’hygiène et la sécurité autant qu’elle le peut, informant les commerçants sur les risques, en particulier en cette période d’épidémie de choléra au Cameroun.

Aujourd’hui, l’équipe de suivi tente toujours de réguler cette économie parallèle, sans la supprimer. « Avant, les photocopieuses étaient branchées n’importe où et de façon anarchique. Nos techniciens ont démantelé ce réseau qui nous faisait craindre un incendie sur le campus ». Et il conclut avec un sourire : « La situation sanitaire peut encore s’améliorer, c’est vrai. Mais nous sommes obligés de constater que cette vente informelle, si elle s’est multipliée, ne comble même pas encore la demande étudiante. »

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manon

Commentaires

JM
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Tiens, ça n'inspire personne ce portrait, ou tous les lecteurs de Génération Berlin sont en vacances un peu comme les miens (et moi par la même occasion) ? Ou alors ils ne veulent que du Berlin et ils boudent de cet intrusion d'exotisme et d'Afrique dans ce blog ? :-)

Je le trouve super ce post. Ça m'a beaucoup frappé à chaque fois que je suis dans des pays moins riches, le nombre de personnes qui font des jobs de ce type. En Martinique, oui, en Martinique, on a encore des pompistes à la station service ! Il en va ainsi. Photocopieur pour payer ses études, pourquoi pas après tout. Pendant mes études, j'ai fait la plonge à la cantine... si seulement ça avait suffi à me payer mes études !!

Joyeuse Pâques à toi et profite bien de ce séjour au Cameroun !

manon
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Pas assez de fesses dans l'article, c'est sans doute le souci - et trop de chocolat à table en ce moment... pour ma part, je suis bien loin de Pâques... même géographiquement, il m'est impossible d'aller faire la chasse aux œufs. La plonge à la cantine, ça ne devait pas être de la tarte. Moi, je faisais l'hôtesse d'accueil. C'était ignoble. Mes pieds en ont encore mal, dix ans plus tard. Et j'en ai gardé une répugnance indéfectible pour le tailleur-jupe.

JM
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Ils fêtent pas Pâques au Cameroun ? C'est un pays chrétien pourtant ? En Martinique on n'est pas très porté sur les œufs de Pâques mais on célèbre dignement l'occasion, à notre façon.

Oui la prochaine fois, reste en-dessous de la ceinture pour enflammer les foules. Avec photos à l'appui (et pas du Sarko-Merkel, hein ???)

Ah les boulots d'étudiants... j'ai aussi fait des sondages, du boulot de call-centre, et plein de choses passionnantes :-)

Abdou
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très belle enquête! il en est de même à l'université de Douala.
j'espère arriver à ton niveau

Abdou
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Dans mon blog je parle des virus informatique et biologique. s'il te plait rend toi sur mon blog et dit moi ce que t'en pense

Julie
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J'adore ce portrait et ta peinture de toute cette économie informelle... Je suis aussi bien curieuse d'en savoir plus sur ce séjour au Cameroun ! Qu'es-tu donc partie faire ?

musombwa tresor
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je suis étudient à l' isig goma, j' apprecie beaucoup cette travaille de photocopie.
je prerare ma defence qui aura lieu le 15/9/2011 dont j'ai traité un sujet qui parle de la contribution de la photocopieuse à l'amelioration aux conditions des vies aux photocopieure dans la ville de Goma precisement en RD.CONGO. cette etude m'a beaucoup en courrager ; sauf qu'il fallait entre en proffondaire parle de la revenue de photocopieur. je sui curieu d'en savoire aussi plus.

omar hamidi
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je veut l aide pour etudie les machaine photocopieuse menolta pour les reparer jai tomber par des probleme a ma machaine et je veut etudier pour le reparer moi meme mecie