Au pays de Goethe, la drague n’a pas la cote. Point de vue très personnel (et très vérifié) d’une Française élevée en son pays aux œillades et aux paroles fleuries, exilée chez les Barbares de la séduction.
La séduction est présente à chaque heure du jour en France, que vous achetiez une baguette ou que vous discutiez avec votre concierge. A Berlin, pas de détour! La séduction classique à la française reste incomprise des Allemands. J’avais un jour un faible mortel pour ce jeune et beau Berlinois, cinéaste aux lunettes d’écailles et au physique Alain Delonesque. Comme, après toutes mes tentatives de messages subtils, il restait naïf comme un enfant de dix ans, j’avais débarqué à une réunion de travail avec deux bouteilles de vin blanc et une tenue vraiment scandaleuse.
Une Française ne prend jamais l’initiative, même pas Béatrice Dalle. Donc, même en mode séduction maximale, nous restons dans une attitude de proie attendant d’être capturée. J’y vais de mon lot de compliments sur son travail, la finesse de son analyse du scénario, l’étendue de ses connaissances cinématographiques, etc. Je me passe dix fois la main dans les cheveux, je bois ses paroles, j’initie un côte-à-côte penchés sur l’ordinateur devant un tableau Excel inintéressant, histoire de dire, dans le langage de séduction latin : « je me fous complètement de ce budget, embrasse-moi idiot! »
Rien. Mon ego est très violenté. Je m’apprêtais à laisser tout tomber, lorsque le jeune Teuton, soudain emporté par l’ouverture de la deuxième bouteille de vin, déclare avec un sérieux fatal et sans bouger de sa chaise, sur laquelle il se tient droit comme un i, que je suis « la femme de ses rêves ».
Quoi?! Voilà une violation de plus aux règles de la séduction. On ne brûle pas les étapes comme cela, Monsieur l’Allemand! Cette fois, c’est moi qui suis paralysée. J’étais en train de jouer au petits chevaux avec un champion des échecs, en quelque sorte. Mat!
Je ne dis rien, attendant la suite logique de cette déclaration à l’emporte-pièce. Un baiser, un regard brûlant, que sais-je! Mais, de façon surprenante, le jeune homme s’emballe : « Les Allemandes sont tellement froides, elles ne prennent jamais soin d’elles, elles finissent par ressembler à des hommes, et elles se jettent sur toi comme si tu étais un objet. Si tu les regarde, elles croient que tu veux les violer. »
La faute au puritanisme luthérien, en Allemagne, les rapports entre hommes et femmes ne connaissent pas l’entre-deux : il y a le sexe d’un côté, et l’amour (le mariage) de l’autre. Pour une nuit, ou pour la vie. Le flirt à la française est considéré comme une perte de temps, voire, pire, comme un mensonge. Une femme ou un homme ne donnant pas de suite concrète à un jeu de séduction serait tout bêtement malhonnête.
Cette situation a bien entendu ses avantages. Parce que la séduction est quasi absente des relations entre hommes et femmes, les distinctions sexuelles sont aplanies, et les inégalités aussi. Ainsi, l’Allemand est, de manière générale, prompt à garder les enfants et à passer le balai, laissant l’Allemande s’occuper de sa carrière si elle le souhaite. Si Angela Merkel, la chancelière, peut faire l’objet de critiques sur la conduite de sa politique, elle ne sera jamais la cible des remarques sexistes dont les femmes publiques françaises souffrent quotidiennement. Les seuls qui critiquent la coiffure de la dame de fer allemande, ce sont bien les journaux hexagonaux.
Plus d’une fois, j’ai tenté de résoudre l’équation séduction à la Française contre crédibilité à l’Allemande. Mais ces comportements, qui se sont lentement et sûrement gravés dans nos gènes culturels, ne sauraient se laisser raisonner. En définitive, c’est la confrontation entre ces deux modes de pensée qui est intéressante. Autant dire qu’il est très amusant d’en rire ensemble, entre Allemands et Français, et de trouver un mode de communication commun.
Et puis, il y a des langages qui n’ont pas besoin de mots… Pour conclure : Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, faites l’amour, pas la guerre, et vous ferez avancez la compréhension entre vos peuples!
P.S. : Découvrez aussi la séduction à la péruvienne sur le blog de Christelle. Édifiant.
Photo : Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, source archives RFI
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