Mon vrai « chez moi », maintenant, c’est ça: une place calme et enneigée dans le quartier de Rixdorf à Berlin
Pour les fêtes, je n’y coupe pas : je dois rentrer à Paris. D’avance, je me réjouissais de retrouver les amis et la famille laissés en France.
Mais plus je vis à Berlin, et plus Paris me semble étrangère. Voilà que je me perds dans les rues de la capitale française, alors je les ai parcourues des millions de fois. Le plan du métro est devenu sibyllin pour mes yeux habitués à d’autres lignes aux noms barbares. Les stations Greifswalder Strasse et Zoologischer Garten me sont désormais plus familières que Saint-Michel ou Poissonnière.
Au feu rouge, comme une Allemande bien dressée, j’attends que le bonhomme devienne vert avant de traverser. Mes compatriotes me regardent d’un air moqueur en me doublant sur le passage piéton. Je peste contre l’absence de poubelles de tri dans les cuisines françaises – en Allemagne, chaque foyer en possède au moins trois. Je m’insurge devant les prix des plats au restaurants : 16 euros pour une vulgaire assiette de spaghettis qui coûterait 5 euros à Berlin. Sans compter que je suis forcée d’aller fumer ma cigarette dehors, au lieu de me la griller tranquillement, au chaud, au comptoir, avec un verre de vin.
Il y a plus étonnant encore. Et c’est là que se sentir étrangère en son pays prend un aspect tout à fait enrichissant. Faubourg Saint-Martin, Passage Brady, Faubourg Saint-Denis, je voyage dans un univers parisien sur lequel je n’avais jamais vraiment ouvert les yeux. Ce soir, c’est Noël, et hier déjà, une trentaine de jeunes femmes africaines se faisaient natter les cheveux, en groupe, chez un coiffeur de quartier. Dans les couloirs de la gare du Nord, les mecs de banlieue se retrouvent autour d’un téléphone portable qui crache du hip-hop, et alpaguent les filles qui se retournent en les invectivant. Rue Saint-Denis, les prostituées pour vieux loup de mer installent leur tabouret sous la neige et fument de longues cigarettes en parlant du prix de la baguette.
Ça, c’est Paris. Les vitrines gorgées de trésors de Noël – bijoux de corail, de perles et de diamants semblant sortir tout droit des fonds marins, animaux en peluche qui parlent, qui bougent et qui sautent dans des décors de contes de fées – côtoient une vie grouillante, une vie qui se passe dans la rue, au vu et au su de tout le monde. A Berlin, la largeur des rues et les températures hivernales extrêmes (-10° en moyenne) interdisent cette existence sur le pavé. C’est parce que les rues parisiennes sont étroites et tortueuses qu’on peut s’y retrouver, échanger une cigarette ou un morceau de musique sur son téléphone portable en regardant les filles qui passent.
J’ai traversé ces quartiers du centre de Paris des centaines, des milliers de fois. Mais aujourd’hui, comme étrangère en mon pays natal, je regarde ce monde comme une terre inconnue, et c’est bien la première fois de ma vie qu’il me semble aimer, authentiquement, sincèrement, Paris.
Joyeux Noël aux Parisiens, aux Berlinois, aux Mondoblogueurs et à tous ceux qui passent par ici!
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