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Pas de pensée unique dans les quartiers

Steed Cavalieri, 33 ans, est travailleur social et cinéaste. La Murette, son film de seize minutes sur les jeunes d’une cité près de Lyon, est un petit bijou d’humour et de vérité. Nous nous sommes rencontrés au festival de court-métrages Interfilm à Berlin, un festival de plus en plus réputé dans le monde du cinéma.

La Murette est l’histoire d’un affrontement pour un petit bout de mur. Deux travailleurs municipaux doivent détruire une murette sur laquelle une bande de jeunes de la cité aime se retrouver pour passer le temps. Avec un art des dialogues plutôt rare, Steed Cavalieri nous fait vivre un moment absurde et touchant de la vie d’un quartier de Vénissieux.

Le secret de ces dialogues hilarants, c’est la double casquette de Steed Cavalieri. « Je suis de cité, je travaille avec des jeunes de cité, je connais leur phrasé et je suis même amené à l’utiliser par moments », explique le jeune réalisateur.

La Murette est un film né au cœur de la cité – et non pas un film sur la cité. C’est ce qui fait toute la différence : pas un instant, le spectateur n’a le sentiment d’assister à l’affligeant spectacle de la condescendance d’un cinéaste parisien, aux prises avec un univers auquel il est parfaitement étranger.

« La Murette est parti d’une histoire vraie qu’on m’avait racontée », dit Steed, « mais la véritable histoire, elle, a tourné en émeute. Moi, je n’étais pas intéressé par le parti pris du méchant policier contre le gentil banlieusard. Dans mon film, la confrontation se passe aussi bien entre les jeunes eux-mêmes qu’avec le travailleur « blanc » de la municipalité. Le premier objectif du film, c’était de montrer que dans la cité, il y a des avis contraires. Même si on souvent l’impression qu’il y a un phrasé uniforme, un look uniforme, une attitude uniforme, en réalité, il n’y a pas de pensée unique dans les quartiers ».

Steed a commencé son film avec 2000 euros. Les acteurs du film sont tous non-professionnels, à l’exception de celui qui incarne le rôle du travailleur « blanc » de la ville. Les rôles ont été écrits en s’inspirant de la personnalité des interprètes, et tout a été filmé dans le quartier Monery, dans la commune de Vénissieux, près de Lyon. Le seul élément vraiment artificiel, donc, ce serait… la murette elle-même, construite en bois par l’équipe du film!

Vendredi, à Berlin, La Murette était projeté devant une salle remplis de passionnés de cinéma. L’accueil hilare et enthousiaste fait au film ne trompe pas : le petit court-métrage de banlieue est, en fait, un vrai moment de cinoche. Situations, dialogues et séquences s’enchaînent dans la plus grande fluidité, et avec un regard cinématographique moderne, assumé. Gonflé à bloc par ce succès, Steed Cavalieri pourra bientôt présenter fièrement Bassins de vie, son prochain court-métrage, avec Atmen Kelif, Eleonore Pourriat et Thomas Chabrol. Pas mal pour quelqu’un qui ne se définit même pas encore comme cinéaste, mais comme « accompagnateur projets » à Vénissieux.

La preuve qu’on peut faire du cinéma, du moment qu’on a quelque chose à raconter, non?

Cliquez ici pour la bande annonce de « La Murette »

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manon

Commentaires

Andriamihaja Guénolé
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oui il est vrai qu'on peut faire du cinéma, du moment qu’on a quelque chose à raconter! et il n'est pas impératif de disposer d'un gros budget, ni de grandes figures de cinéma car souvent, ce sont ces "petits" tournages qui deviennent des moments cultes du cinéma!!

manon
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Absolument! Exemple : Jim Jarmusch, ou les premiers films de Martin Scorsese. N'est-ce pas?

David Kpelly
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Si Si, Manon, le ciné, c'est avant tout de l'inspiration. C'est comme la littérature, en fait je crois bien. Les superproductions ne sont pas toujours des exploits!
Euh... t'es très cool sur la photo vignette. Ah là je déconne, comme toujours, espèce de dragueur sur mondoblog!
Amitiés!