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Là où le coeur des Berlinois n'a pas de couleur

A Berlin, Otto l’Autrichien, Léon le Burundais et Vincent le Congolais trinquent à l’amitié

Un sombre vendredi soir d’octobre à Berlin. On commence à frissonner, mais je veux me rendre dans une jeune galerie d’art pour un vernissage. Sur mon chemin, je repère cette enseigne joyeusement lumineuse, « Treffpunkt Relais de Savanne ». Un restaurant africain, ici, dans ce coin grisâtre du nord de Berlin ? J’entre aussitôt, d’autant plus piquée de curiosité que je passe beaucoup de temps en ce moment à lire les articles publiés sur Mondoblog, par mes confrères et consoeurs du Mali, du Burkina ou du Sénégal.

Devant le Relais de Savanne à Berlin

C’est Léonidas, dit Léon, qui m’accoste en francais. Ce gouailleur et charmant Berlinois de 55 ans, originaire du Burundi, m’assure avec un sourire tranquille qu’il écoute RFI tous les jours. Et son ami Vincent-de-Paul, dit Vincent, 65 ans, un Berlinois venu du Congo, de renchérir fièrement : « Evidemment, moi aussi j’écoute RFI tous les jours! »

Ils me font donc bon accueil, autour d’une bière bien allemande et d’un verre de vin rouge sudafricain. Tous deux sont ce qu’ils appellent en riant « la fraction RDA ». Il s’agit de ces Africains a invités par le gouvernement de l’Allemagne de l’Est à venir étudier en République Démocratique d’Allemagne (RDA), pendant la Guerre Froide.

C’est ainsi que Vincent quitta le Congo en 1970 pour toujours, envoyé par le gouvernement congolais en RDA pour étudier la mécanique lourde. « Avant la Chute du Mur, Berlin, c’était bien pour les étrangers, raconte Vincent. Le gouvernement et le SED (parti communiste de l’époque) réprimaient le racisme. Les persécutions sont devenues monnaie courante après la réunification de l’Allemagne en 1990. »

Léon, lui, fut envoyé en RDA pour étudier l’agronomie en 1980. « Je voulais étudier la pédagogie aux Etats-Unis, mais le fils d’un ministre a pris ma place », dit-il avant de se raviser. « Ne le mets pas dans l’article, Manon! » s’écrie-t-il, effaré. Mais Vincent intervient : « Si, Léon, il faut le dire, on n’est pas au Burundi ici, n’aie pas peur, tu peux parler. »

Sur le comptoir, un globe lumineux appelle à l’entente des peuples…

Léon et Vincent s’exclament joyeusement à l’entrée d’Otto, leur ami autrichien, qui est aussi un collègue de travail de Léon. « On vient au Relais de Savanne parce que c’est un lieu de rencontre pour tous », raconte Léon avec passion, « blanc, noir, rouge, jaune, marron – merde, il n’y a pas de différence! » « Il n’y a pas de plus grand idiot que celui qui juge en fonction de la couleur de peau ou de la religion! », s’écrie Otto. On trinque.

Réunir les gens de tous horizons, c’est en effet le voeu d’Assibi, la patronne Togolaise du Relais de Savanne. Le restaurant fait partie du Cercle amical germano-togolais, une association fondée en 1997 par Assibi et son époux allemand, Henning. Ici, toutes les associations luttant pour l’Afrique peuvent se réunir et échanger. « Et cela permet aussi aux Blancs de découvrir l’Afrique à Berlin à travers nos spécialités culinaires… »

Assibi, la patronne togolaise du Relais de Savanne

…Mais aussi grâce à une atmosphère sans pareille à Berlin, me dis-je en mon for intérieur. C’est en se promettant de se retrouver ici que Léon, Vincent, Otto et moi nous quittons, un peu grisés par le vin sudafricain, comme par les rires et les histoires passionnées que nous avons échangés toute la soirée.

Café-Bar-Restaurant Relais de Savanne, Prinzenallee 33, 13359 Berlin-Wedding, Allemagne

https://www.d-tf-berlin.de/fr/index.htm

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Auteur·e

manon

Commentaires

bonobette
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ca donne envie de découvrir l'endroit!
merci pour le bon tuyaux!

manon
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Merci de ton commentaire Bonobette! C'est en effet un endroit merveilleusement chaleureux.

Boukari Ouédraogo
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Quand on parle de l'Allemagne ou de l'Italie, on parle en général de racisme mais heuresement qu'il "Là où le coeur des Berlinois n’a pas de couleur" lol

manon
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Exactement :) quand on parle de l'Allemagne, on parle peut-être de racisme mais à Berlin, c'est tout de même beaucoup moins courant que dans le reste du pays. La ville est jeune, cosmopolite, et très paisible, en dehors de certains coins dans lesquels il ne vaut mieux pas mettre les pieds si l'on est une personne de couleur ou tout simplement... une femme! Mais par rapport à Paris, je trouve cela mineur, l'attitude des Berlinois étant plutôt pacifique.

Boukari Ouédraogo
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Alors mieux vaut vivre à Paris plutôt qu'à Berlin?

manon
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comment ça? Je ne comprends pas ta question Ouédraogo... à Paris, justement, je disais que l'ambiance de mixité raciale est parfois pleine de tensions. Parfois très réussie, certes, mais cela reste rare selon mon expérience. Hélas...

Boukari Ouédraogo
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Non, c'est le contraire je voulais dire mieux vaut vivre à Berlin qu'à Paris

Coulibaly
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bel article. Pour ma part j'adore la cuisine togolaise

manon
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Eh bien moi aussi, depuis que j'y ai goûté au Relais de Savanne! :)

anais
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Bonjour Manon,
Jai trouvé ton article tres interessant et le Relais de Savanne à l'air d'etre un tres chouette endroit. La question de la mixité sociale est un sujet qui m'intéresse depuis longtemps. Je suis aujourd'hui étudiante en photojournalisme à Hanovre et pour ce semestre nous avons un cours de podcast. Je voudrais bien réaliser ce podcast (photo+son+interview) sur des lieux comme celui là, carrefour entre différentes cultures. As tu peut etre des contacts à me donner?Ou pourquoi pas le faire sur ce restaurant...Il m'est possible de venir de temps en temps à Berlin. A Hanovre, je n'ai pas encore trouvé de lieu comme celui ci (sauf des communautés religieuses où j'ai déja fait un reportage photo).
Merci de ton aide
Anais

manon
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Bonjour Anais,

Tu peux facilement contacter Assibi, la patronne du Relais de Savanne. Comme ce lieu est un point de rencontre des assos africaines à Berlin, tu y trouveras une foule de contacts. Tu trouveras le numéro d'Assibi sur leur site : https://www.d-tf-berlin.de/fr/index.htm

Bonne chance pour tes recherches. Cela a l'air passionnant. Tiens-moi au courant de ces podcasts, j'aimerais les écouter.